Noël. Merde ! Crasse du printemps inversé. Miasmes dans tous les coins. Leur petit Jésus fourré à la pâte d'amande, leurs sapins, leurs sourires fondus au sucre, la pestilence des bons sentiments attardés, miélus, enrobés de douceur purulente et niaise, frelatées saucisses mijotées, guiboles flasques ou gamines anorexiques, tout ça me dégoûte. Qu'on ne vienne pas me faire chier le 24, surtout ! Uber Eats, Netflix, Amazon, Pfizer, + 224%, 24,996 milliards de dollars, 36 millions d'abonnés, de sept-cent cinquante mille salariés à un million et demi en 2021, plus 38% de chiffre d'affaire, hausse de la consommation d'alcool, de tabac, de cannabis, prise de poids, ça enfle partout, ça bouge plus, ça grignote devant l'écran, ça commande à tout va, livraisons, les trois géants de la crevure vaccinale, c'est mille dollars de bénéfice par… seconde, ce qui fait, pour les endormis, trois millions six cents mille dollars par heure, ou quatre-vingt-six millions quatre-cents mille dollars par jour, pour nourrir Cyril Hanouna et sa mère goinfre, GMK et ses bagnoles et son boucan, Guillaume Pley OK-OK-OK et sa touffe frisée, les actrices porno qui ont remplacé Claude Sautet, les enragées minables au cul refroidi et épilé qui courent après l'Ogre pour qu'il leur lâche un bout de son pactole, tous les coachs youtubisés qui nous partagent tout ce qui leur sort du bulbe, qui revisitent Platon, Montaigne et Nietzche, sponsorisés par Nord-VPN, mon café qui refroidit, la mafia planétaire, les députés illettrés, mes analyses d'urine, les médecins pressés de mon cul, deux kilos de bandaison, tout ce fatras hurlant et puant, ces gargouilles de vomi qui se déverse dans la mer, dans les étangs, sous la roche, sans transition, entre les épicéas, dans les calanques et jusque dans mon jardin, qui fait crever les vieux numérisés dans leur chambre, à distance, les méprisés tremblotants et à demi refroidis, sublimes bienheureux oubliés avec du pain d'épice rance en miettes dans leurs draps, dans quelques secondes il sera neuf heures comme tous les dimanches, deux hautbois deux cors, et on a déjà toute la tristesse sublime du Requiem : Mozart casse les codes, qu'il nous explique, l'autre empaffé, j'en peux plus, de leur ton, de leur parlure merdique, de leurs « posts », de leur connerie asymptomatique lavée à trente degrés sans essorage, la femme en eux, mauvaise apparition, coup de timbales qui crève l'hymen reconstitué, halètements mouillés, giclées de trouille glaireuse entre deux bâillements à l'ail, y a-t-il des clarinettes, ou non ? Saloperie de Noël ! La mafia partout partout, et quand ce n'est pas elle, c'est pire. La crotte au cul de cette époque est sombre, épaisse et dure. Ça pue partout, où qu'on aille on sent la merde qui remonte de partout ; je ne vais plus dans la rue car je sais à quoi m'attendre : la Bêtise est d'abord méchante, elle aime se montrer à son pire, elle ne vous loupe pas, dès qu'elle vous aperçoit elle fonce sur vous, les tibias en équerre, elle s'étale et vous prend dans ses bras louches. C'est la mort à crédit, un crédit aussi généreux que malfaisant : qui inspire l'autre ? La mort ou l'usure ? On regrette d'avoir cru, si vous saviez ! Mais vous ne pouvez pas savoir, car si vous saviez, vous ne me liriez pas. Il faut être à contretemps ou ne pas être. Rescapé absolu, mais coupable absolument. Mea culpa. Allez-y, je ne bouge pas : vous pouvez charger la mule. Je les vois, toutes les petites putes sur Facebook et ailleurs, elles ont la naïveté ordurière de la cendre refroidie et le front boutonneux en cloques. Cor de basset au creux du ventre, là où ça gargouille discrètement. Parlent par hoquets préhistoriques, le charbon de bois sur la paroi de leurs organes. La ruine dégouline en bougie quand elles se déshabillent : rien ne tient, sans Photoshop. Désir et culpabilité : le corps se tord sous un soleil froid. Le gros œil social les écartèle à mort. Je vois tout ça, je vous assure. Ça remonte, la nuit, comme une mousse aigre et bien humide. Les pauvres choses se croient vivantes parce qu'elles couinent en rythme. L'unisson est leur loi d'aisance. Trombones mystiques : l'Au-delà s'annonce tout en fausses notes. L'ironie est à son comble mais ils sont sérieux comme des papes. Dites-moi, mon brave, ça me manquerait pas un peu de bassons, votre histoire ? Que pense Bill Gates de l'humour chez Mozart ? Est-il suffisamment philanthropique, le divin Wolfgang ? Sa flore intestinale est-elle en bon état, digne d'être exposée sous un microscope électronique, cotée en bourse ? Ne serait-t-il pas un peu ordurier sur les bords, voire misogyne, ce petit salopard ? On ne lui ferait pas un petit procès par-dessus les siècles, pour l'amener au niveau d'un Depardieu, non ? Mozart en Corée du nord, voilà qui serait amusant. Il en aurait, à dire sur le cul des femmes, je vous assure ! Demandons à sa cousine, Maria-Anna. Ça se décline en quatre orchestres, au carré, bien avant Stockhausen. Procès en sorcellerie. Les compositeurs qui ne sont pas sorciers sont très ennuyeux. S'il fallait une seule preuve, ce serait la Gran Partita qui nous la fournirait. Théâtre et misère dans la chambre, à l'abri des regards. Il faut renouveler l'effervescence de l'ennui, il faut parodier la publicité et ses croyances, turqueries basaltiques — faute d'argent, se méfier de tout et de tous, passer par-derrière, piccolos, cymbales et grosse caisse sont là pour jeter l'encre à la face des gogos : les prêtres s'agenouillent en dépit du bon sens, au cimetière, sur leurs rotules décalcifiées. Ça ressemble à une grosse farce débile, avec tous ces noms que je refuse de donner, tous ces peoples cramoisis et glaireux qui salissent les mondes depuis Ibiza et Dubaï, jaloux butés bafouilleurs, minables prolos du luxe efflanqué, tout en dorure plaquée, hypnotisés par le vide et la rapacité des Péquenauds rutilants qu'ils imitent le temps d'une saison en enfer. Vous supportez, vous, de vivre dans le même monde qu'eux ? Comment fait-on pour se consoler, ou pour oublier qu'il y eut naguère un autre monde — que nous l'avons connu ? Oui, se consoler est impossible. Ce qu'il faut, c'est oublier, oublier pour toujours. Noël ? Il y a longtemps que c'est impossible, Noël ! Ridicule, obscène, dégueulasse, monstrueux, sale. Que vos sapins prennent feu, que vos bûches vous incendient, que vos mendiants vous assassinent, que votre champagne vous brûle le foie, c'est tout ce que je vous souhaite, à la pointe du mot, Sauvages ! Je hais vos fêtes et la pureté de vos intentions, abrutis cochons, vendus à toutes les sucreries morbides, sales menteurs attendris de vous-mêmes confits de mauvais goût surnaturel. Un cygne sur l'eau, seul, dans le froid, au nord. Il ne peut pas racheter l'ignominie de la Fête. Il le sait. C'est un âne, ce cygne. Un âne présomptueux et solitaire mais il n'en démord pas. Comme le talent court les rues ! Dis-donc, mon gros ! C'est fou ! Il suffit d'allumer la radio, de se mettre devant un écran, de se bronzer la couenne à la rumeur planétaire pour se réchauffer l'âme et vouloir faire corps avec le cirque mondial qui ne cesse de tambouriner aux fenêtres, comme ces filles qui parlent toujours d'amour sans jamais jouir : elles gardent bien leur talent à l'abri de la vérité, ces putes ! D'où vient l'immense Morale qui nous asphyxie depuis vingt ans, quel esprit malade a fomenté pareil renversement pervers, qui a fait de ce monde un cloaque puant ? Il n'y a plus que des Cyril Hanouna et des Bill Gates, les clowns et les banquiers se sont rejoints au centre du Cercle infernal, là d'où partent les avenues de la Publicité qui sont les seules voies que connaissent ceux que je refuse d'appeler mes contemporains. Ils ont sali tous les mots, falsifié toutes les images, ils ont crevé l'âme humaine et l'ont farcie de fumier. La Malversation est considérée comme le Grand Art. Je me bouche les oreilles, mais c'est en vain, puisque toute la réalité a été reconstruite de part en part. Rien n'échappe au Bobard central qui tourne à plein régime : nous sommes éjectés par une force inouïe aux confins de la réalité. Prenez n'importe quel visage croisé dans la rue, vous verrez à ses yeux fous que vous êtes un survivant anachronique et dangereux, pour lui. Ne le regardez pas en face ou il vous crèvera ! Il n'y a pas de place pour les survivants. Il voit immédiatement que vous ne jouez pas le jeu. Infaillible prunelle. Ils se reconnaissent entre eux, les consommateurs. Ils clignotent et vous êtes éteint. La Fête vous réclame : À LA CRÈCHE, salopard, saumon-foie gras-chocolat, prouvez que vous avez fait vos courses, vos boules en évidence ! L'Entreprise n'aime pas les traitres-à-la-consommation. Ils n'ont plus que des dents et des bouches et des langues qui ne parlent pas, tout occupés à digérer. Pas de répit, jamais. Passent de la table à la tombe sans soupçonner qu'il y eut jadis des temples, des déserts, des scènes et des orgies aimables, privées et littéraires. Ils ont tué la gourmandise comme ils ont déchiqueté l'amour et la sagesse, avec cette hargne sourde dont les bêtes auraient honte. On continue à employer les mêmes mots, comme si de rien n'était. Noël, sacré, Jésus, naissance, vie, musique, littérature, art, amour… On a fabriqué des sourds et des aveugles de naissance. L'imposture est invisible, inodore, silencieuse. Parfait canular. Quand tout est bluff, tout redevient vrai, et plus vrai que vrai, puisqu'il n'y a rien d'autre. Quand on naît dans un tombeau, on prend le tombeau pour un palace, forcément. Vieux chocolatiers pervers, les éditeurs font des additions et des soustractions, ils ont transformé les Lettres en pensionnats de jeunes filles traumatisées et hystériques. Chacun y va de sa revanche personnelle. Là non plus, personne ne voit que tout a changé, que rien n'a tenu ; les mots n'ont pas bougé, c'est tout ce qu'on demande. Ils sont au coffre, inviolables pourritures. Les mots ne sont ni des enfants abandonnés ni des fous sans mémoire, ils ont été créés par l'âme des peuples et par les siècles ; malheur à qui les profane et les dévitalise. On s'en rendra compte très vite car ils reviendront nous mordre dans le sommeil. Au diable le Public ! Je ferai la fête seul.