mardi 25 mai 2021

Enigma Variations




Corps, réseau, forêt, ordinateurs enterrés, elle respire, soumise aux étoiles. Caresse des nuages — les vaches sont à la frontière du ciel et de l'eau : tout de suite, les pins dressés dans le vent, machines amoureuses, baquet de Mesmer, verbes disséminés dans la prairie ; c'est la nuit. Les heures ne s'écoulent plus ; elle boit un verre d'eau ; son ventre nu, lien ventouse, cybersexe creux. Je ne suis pas où je suis. J'entre et je sors de son esprit. C'est le jour. Quelle impuissance, Ô mon amour ! C'est la nuit. Je reviens.

Tous les organes se mettent à chanter doucement. Ça bruit. Je préfère les vagues aux bombes. 

Deux personnes, un homme et une femme, sont assis, face à face. Ils se parlent. Leurs paroles sont séparées par de longs silences. On entend leurs voix, les timbres de leurs voix, les couleurs de leurs voix, les rythmes de leurs voix, les inflexions de leurs voix, les silences de leurs voix, les intensités modulées de leurs voix, leurs souffles, leurs hésitations, leurs interruptions. On n'entend rien d'autre : ces deux voix qui se parlent calmement, ces deux voix entrecoupées de silences. 

Un cheval est là, à quelques mètres de l'homme et de la femme. On ne sait s'il leur prête attention. Son gros œil chaud, ses cils… Son calme apparent. Il partagent la même Terre, tous les trois. 

Ils parlent bas, le soir tombe. On survole la Cordillère des Andes. Je pourrais écouter Nuages de Debussy, jusqu'à la mort.

Voix basses passant à travers des résonateurs. On lit sur l'homme les mots qu'il n'a pas encore prononcés. Tubes. Éventails. Échelles. M'entends-tu, toi ? 

La marée a tourné, les cadavres reviennent. Il y a cet homme qui avance, tout habillé, vers les vagues, on le voit plonger. Courage, mon gars. Je ferai un truc, un jour, vous en entendrez parler. Laissez-moi passer, laissez-moi passer ! J'ai une montagne dans le cœur, moi, j'ai du silence plein les tripes. Laissez-moi passer. Le cheval est toujours là, il n'a pas bougé.