« Ce public si parfaitement privé de liberté, et qui a tout supporté, mérite moins que tout autre d'être ménagé. Les manipulateurs de la publicité, avec le cynisme traditionnel de ceux qui savent que les gens sont portés à justifier les affronts dont ils ne se vengent pas, lui annoncent tranquillement que "quand on aime la vie, on va au cinéma". »
Ils allaient au cinéma, ils se déplaçaient jusque dans des salles obscures où, avec d'autres, ils regardaient des images (qui étaient la vie, mieux que la vie). Le simulacre était encore visible, désigné, il y avait des lieux pour ça. C'était encore du bricolage. Depuis, le spectaculaire est passé à un autre stade. Le simulacre est désormais servi à domicile, à l'école, à l'hôpital, à la télé, dans les transports en commun, à l'arrière des voitures, l'individu vient même le chercher dans ce lieu qui n'en est pas un mais qui les vaut tous, le Réseau, il le réclame, et mieux encore, il n'attend plus qu'on le lui fournisse, il le produit lui-même — on appelle ça la sociabilité. Complot contre complot, on se tient chaud, data contre data, nombres contre nombres, on s'échange les nouvelles réalités, faux contre faux, on ne quitte plus la fiction.
Enfois, parvinton suffique quepro vin cedela chosequise radésorti des poseru meurdan aude soussou, là-haut tourdé, fra zeru et quelque chaud. Comme pour. Sagesse & plaisir. Il suffirait de sortir dans la rue.
Trois styles d'aristocratie chez Évelyne Thomas, le triste bourrin de la télé. On voit ces animaux en cage, on les regarde s'agiter dans leur étable. Ils font société, comme ils peuvent, comme de rats de laboratoire éclairés au néon. Applaudissements. Bave. Sueur. La fille demande si elle peut "faire pipi sur le plateau". Non, non, Cocotte, va faire ça dans les loges. On ne bouge pas, t'inquiète. À gauche, elle n'a pas de culotte. À droite elle fait la gueule. Bouches tordues, cuisses serrées, regards torves. Le micro passe de main en main. Les bactéries aussi. Avant, ils ont pris le TGV, ils sont montés à Paris. C'est le moment, la chatière s'ouvre. Le chauffeur de salle chauffe.
Sciure, musique, roulements de tambour. Ça sent le crottin. La fesse transpirante. L'angoisse rance. Les bonnes manières et les rappeurs, Marc Dorcel, invisible, pousse sa pouliche, et Capucine voit des tatouages en vrai pour la première fois de sa vie. La vie en fiches. La comtesse n'est même pas lesbienne. « Je me demandais si vous étiez des comédiens », dit Marie-Laurence, qui n'a pas tout à fait compris le game. Vapeurs. Ah non, ici, tout-est-vrai, Marie-Lo ! Ils gagnent leur vie, c'est tout.
Regardez ! Regardez ces visages, regardez ces bouches. Coupez le son. Tout est vrai. Plus vrai que vrai. Il faudrait être mort, pour les bien voir, c'est vrai. En vrai on est entre la vie et la mort, là. Juste au milieu. De l'autre côté de la vitre, on aperçoit déjà les mouches et les vers, la décomposition, le nuage gris, la légère fumée qui avec les âmes se confond, les âmes perdues, négligées, écrabouillées sur les écrans, disloquées. Vous ne sentez pas l'odeur ? Une euthanasie lente. Tu montes, Chéri ?