Mentir est impossible. Les mensonges finissent par devenir vrais, avec le temps.
Il vaut mieux en être conscient : toutes les phrases qu'on a écrites ou prononcées depuis notre naissance finissent un jour par se rejoindre. Il est inutile d'avoir de la mémoire, c'est la langue qui en a pour nous.
Au moment où l'on affirme quelque chose, cette chose a déjà cessé d'être vraie, alors imaginez les problèmes de temporalité, avec un autre que soi ! Les rythmes du sens se repoussent les uns les autres, sauf miracle.
C'est toujours par le langage qu'on est plongé dans l'angoisse et qu'on se retrouve dans une impasse. C'est toujours le langage qui nous sépare de l'autre.
Beaucoup s'imaginent que ce qu'on dit n'a de conséquence que dans une sorte de vie parallèle qui flotte à côté de notre vie réelle, l'accompagne, sans jamais la rencontrer vraiment. Ils ne voient pas que ces deux vies se croisent sans cesse et s'échangent des morceaux de réalité à l'abri de notre mémoire. Les mensonges de l'une fécondent les vérités de l'autre, les engrossent, et enfantent les monstres que nous prenons pour des fées.
Les phrases ratées sont des fantômes qui reviennent nous hanter, longtemps après, quand nous croyons les avoir oubliées. La seule manière de s'en défaire est de les parfaire, mais c'est impossible.
Ce n'est pas la bouche, qui parle, c'est le ventre qui est remonté, ce sont vos pieds qui marchent entre vos dents. Quand vous écrivez une phrase, demandez-vous par quel instrument elle est proférée. Un trombone, un piccolo, ou un bandonéon, un violon, un hautbois ou cor ?