dimanche 3 mars 2013

Juste utiles


« L'insécurité est ce que les médias n'en disent pas. » (Robert Ménard)

Pauvre Obertone ! Il a été assez mauvais, il faut bien le reconnaître, même si on ne lui jettera pas la pierre, car on est bien conscient de la difficulté de l'exercice. Face à un Aymeric Caron bavant de haine, à une Natacha-Polony-comment-il-est-mon-profil qui a montré, une fois de plus, à quel monde elle souhaitait appartenir, et à tous les semi-débiles présents sur le plateau du clown institutionnel, il n'avait pratiquement aucune chance de s'en tirer. Les pour-qui-tu-roules et les d'où-tu-parles ont été jetés en grêle depuis les mâchicoulis du Spectacle sur celui qui n'émettait guère que des ultra-sons pianissimo, il fallait s'y attendre, et jusqu'au : « Laurent Obertone, êtes-vous utile à la société ? » (bis) du comique de service. Ces gens sont des salopards de gros calibre. On a beau le savoir, ça fiche toujours un coup au moral de toucher du doigt leur absence totale de morale. Chiens.


Pas une seule fois, évidemment, la seule question qui vaille : « Est-ce vrai ? » n'a été posée. 260 viols tous les jours en France, est-ce vrai ? Oui, c'est vrai. Deux cent soixante, vous avez bien entendu ? Les ça-a-toujours-existé (avec la variante ruquio-caronienne : c'était-bien-pire-avant), les quelle-est-votre-solution, ont étouffé les 260 viols à la naissance (couvercle à peine soulevé déjà refermé, c'est magique), les plateaux-télé ne peuvent pas supporter 260 viols par jour en France, ils ont la couenne fragile, les plateaux-télé, ils ont un cœur de pierre mais la tripe sensible, selon la belle formule de Finkielkraut. On n'est pas là pour s'anxiogénifier, mais pour raconter des blagues et gagner sa vie en se foutant complètement de ceux qui en crèvent, de ces 260 viols par jour en France. Obertone, tu nous casses l'ambiance, avec ton bouquin-orange-livre-de-chevet-de-Marine-Le-Pen que même la Polony elle trouve mauvais, que c'est pas comme ça qu'il faut en parler, que la Polony elle sait comment il faut en parler pour que Sir Aymeric fasse pas trop la gueule, et surtout que c'est une chasse gardée, quoi, merde, si tous les Obertone de province viennent mettre les pieds dans le plat mais où on va aller dîner tranquille, quoi ! Pouvait pas faire un bouquin sur le végétarisme, ou sur la francophonie, ou tiens, mieux, sur l'amitié franco-algérienne, l'Obertone de mes deux ? Pour débuter dans le journalisme, excuse-moi, vieux, mais on met pas direct les pieds dans le plat où mangent tous ces messieurs-dames de la télé ! Mais qu'est-ce qu'on fout, dans les écoles de journalisme, bon dieu, tout fout le camp ! Apprends un peu les bonnes manières, Laurent, et reviens après, tu verras comme on se marre bien entre nous, comme c'est cool d'être pote avec Ruquon, Ardissier, Natacha, Jessica, Maëva, tu pourras amener ta femme, et tu pourras enfin te saper correct. Allez, mec, sois cool, choisis mieux tes amis, de toute façon, on est les plus puissants, et on s'entraide, c'est ça la famille, tu vois. Tiens, je vais t'offrir les 220 satoris mortels de François Matton pour te calmer un peu les nerfs, ça te changera un peu de tes 260 viols par jour en France. Mais j'y pense, ah oui, c'est ça, t'as été violé quand t'étais petit, hein, oui, c'est bien ça, tu t'en es jamais remis, ah, pauvre petit, et tu crois te venger avec ton bouquin-livre-de-chevet-de-Marine-Le-Pen, ah, les salauds d'hétéros blancs catholiques et colonialistes, encore un pauvre petit gars qu'ils auront massacré à la naissance, les ordures, et après on s'étonne que ça nous fasse des inutiles-à-la-société-qui-font-le-jeu-du-Front-national. Pauvre petit Laurent, quand on pense que t'aurais pu t'appeler Ruquier, t'as vraiment pas eu de bol, toi ! T'aurais mieux fait d'être pédé, Obertone, tu nous aurais écrit un bon bouquin sur l'homophobie ou genre, enfin du solide, quoi. Au lieu de quoi, tu nous rabâches ce machin indigeste que déjà tout-le-monde-il-en-parle-sans-arrêt et qu'on sait tout ça par cœur ! On sait tout ça par cœur et en même temps ça n'existe pas, tu vois, c'est ça la dialectique moderne, on a dépassé depuis longtemps le stade de la non-contradiction, nous, on en est au stade de la non-non-contradiction déconstruite, eh oui, mon pote, faut juste un peu se tenir au courant, quand on se prétend journaliste ! Journaliste, t'entends ? Un journaliste, c'est pas le mec qui angoisse nos clients, Laurent ! T'es con ou quoi ? Tu veux travailler ou pointer au chômage ? Regarde Sir Aymeric. Ça c'est du journaliste. Il suit la ligne, il en démord pas, il mordrait sa mère plutôt que de déroger à la Règle. On peut compter sur lui. On est des soldats, tu comprends ça ? Des larbins, oui, si tu veux, mais il en faut, et c'est pour la bonne cause. En Afrique ils ont les enfants-soldats, nous on est les larbins-soldats. C'est le prix à payer pour mettre les doigts dans le gâteau. On n'a qu'une vie, Laurent, tu comprends ça ? On met nos enfants dans des écoles privées, chais pas si tu sais mais ça douille, ces conneries ! On est UTILES À LA SOCIÉTÉ, nous ! C'est juste normal qu'elle nous le rende un peu. C'est comme ça que ça marche. Bon, OK, les 260 violées, c'est dramatique, c'est vrai, mais on n'y peut plus rien, tu vois, ce qui est fait est fait, ce qu'il faut c'est aider le Jeune qui les a violées à ne plus recommencer, à lui apprendre à lui aussi les bonnes manières, tu comprends, comme à toi. Parce que lui aussi il veut mettre ses doigts dans le gâteau, tu vois, c'est juste normal. Si on le laisse en prison, le Jeune, comment on saura si sa réinsertion a réussi ou pas, hein, gros malin ? Faut bien qu'il sorte, pour qu'on vérifie nos théories généreuses ! Et puis, comme l'a si bien dit le Canadien au gros pif : « Ça sert à rien de construire de grosses prisons, c'qui faut c'est aimer l'autre ». C'est simple comme un gros pif au milieu de la figure.

« Qu'as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? » Je ne sais pas si tu aimes la poésie, Laurent, mais tu devrais juste méditer ces vers. Arrête de chialer comme une gonzesse, et viens rigoler avec nous, tu verras, c'est bien meilleur pour le cholestérol. Sois utile à la société, mon pote, au lieu de débiner Joey Starr et Samy Naceri. T'es rien, à côté de ces géants ! Rien du tout, zéro, Obertone, juste un son qu'on n'entend même pas, comme tu l'as démontré hier-soir. Tu as voulu traverser l'Achéron et rester vivant, mais Caron ne mange pas de ce pain-là, lui, t'as encore trop le goût de bidoche, mon petit. Rester vivant, aujourd'hui, est un affront terrible au vrai Pouvoir. Regarde nous. Nous sommes tous morts, et tout va bien, je t'assure ; pénards qu'on est, tu peux pas imaginer. La seule manière qu'il ne t'arrive rien aujourd'hui est d'être déjà mort. Être journaliste au XXIe siècle consiste à être mort, à parler comme un mort, à penser comme un mort, à vivre comme un mort. Viva la muerte !



PS. Je me demandais une chose, hier-soir, en regardant ce cirque abject : Est-ce qu'un jour, oui ou merde, il y aura quelqu'un pour se tirer de là en plein milieu en leur disant froidement, les yeux dans les yeux, vous êtes une bande de connards, je vous laisse entre vous ? Non ? Vraiment personne ?

PSS. Voir l'excellente réponse de Laurent Obertone aux Médiapartisans.