Plieux, jeudi 12 mai 2022, neuf heures et demie du matin. La publicité est la littérature épique des sociétés davocratiques négationnistes-génocidaires — leur récit fondateur, à la fois leur poésie lyrique et leur code civil, leur véritable Constitution. C’est elle qui dit le droit et qui dicte le rêve, le “narratif” imposé.
Alors que s’échangeaient les fonctions entre littérature et sciences humaines, tandis que l’une, ou ce qu’il en restait, héritait du réel, ou de ce qu’il en restait, alors que les autres, et notamment la sociologie, se chargeaient d’imposer de pures fictions, le vivre ensemble, le niveau qui monte, la démocratisation de la culture, etc., il s’établissait entre les deux une vaste zone basse, large plaine opulente et fertile, dont la publicité était le principe général, naturellement (c’est tout le système remplaciste qui est par essence “publicitaire”), mais qui était bien loin de se limiter à elle : en relevaient toutes les formes modernes de la propagande, dont le désir, et notamment le désir érotique, appuyé sur le désir mimétique, est le principal ingrédient. La publicité proprement dite s’y voyaient flanquée par le cinéma, en France tout particulièrement servile étant donné son étroite dépendance financière à l’égard du pouvoir, et presque entièrement publicitaire, donc irregardable, au service qu’il est du remplacisme global davocratique, du remplacement petit et grand ; et bien entendu par les séries, les téléfilms, le divertissement, déjà tout entier afro-américanisé — Plus belle la vie, qui s’arrête sa mission accomplie, crois-je comprendre, était la caricaturale quintessence de ce genre-là, publicité officiellement non-publicitaire n’en finissant pas de tracer les contours du mode de vie et du type de société requis par la gestion cybernétique et comptable du parc humain.
Jadis la propagande se donnait pour instrument la culture et s’adressait à travers elle, pour les influencer, aux gens qui pensaient, au moins un peu. La propagande davocratique, dont il ne faut jamais oublier qu’elle est la simple superstructure économique et politique de la dictature de la petite bourgeoisie, est beaucoup plus intelligente que cela — c’est-à-dire qu’elle a compris qu’il fallait être beaucoup plus bête, si elle voulait réussir : qu’elle ne le serait jamais trop. Son story-telling ne s’adresse plus à la classe cultivée, qui d’ailleurs n’existe plus, elle y a veillé, ce fut même son premier soin. Il s’adresse, par le truchement de la publicité générale, à l’hébétude, qu’elle a non moins soigneusement créée. Elle s’y répand cent fois plus vite que selon les vieilles méthodes, et pratiquement sans résistance. La bêtise et le ressentiment sont naturellement remplacistes, car ce qui est remplacé ne leur est rien, sinon un objet de haine et de vindicte rageuse.
Journal de Renaud Camus