« Le tissu des peuples devient fragile. » Cette phrase d'Ernst Jünger me trotte dans la tête. Je la crois juste, profonde et très adaptée à notre temps.
Plus le tissu des peuples est fragile plus on est contraint de bâtir des murs autour de l'individu (ces murs peuvent être de nature sociale, bactériologique, psychologique, technologique, ou plus simplement logique). Mais ces murs ne lui appartiennent pas, il n'en est que le locataire. C'est l'intérieur de soi que se trouve la seule vraie puissance, on le sait depuis la nuit des temps. En réalité, je pense qu'on a fait tout ce qu'on pouvait pour affaiblir les défenses propres à chaque être vivant, ce qui le rend dépendant de structures centralisées, et ce qui le rend plus facilement contrôlable. Une des premières choses que l'individu avait en sa possession, pour se protéger des agressions externes, était le langage. Or c'est la première des choses dont on l'a dépouillé.
Une grande part de l'agressivité que tout le monde ressent, de nos jours, est due à cet affaissement de nos défenses propres. Moins de langage, plus de violence, et plus de solitude — ce qui paradoxalement s'accompagne d'une atrophie de la singularité.
C'est le tissu humain qui est en train de se déchirer, car il est de mauvaise qualité. Et sous le tissu, la chair est à vif.