Tout devient plus clair dès qu'on accepte cette évidence : ils ne savent pas ce qu'ils aiment. Ils ne savent pas ce qu'ils pensent. Leurs choix ne sont pas des choix.
Si l'on garde ça en tête, on comprend beaucoup mieux leurs faits et gestes.
En outre, cela explique leur malaise ou leur agressivité dès qu'ils se trouvent face à quelqu'un qui par extraordinaire n'est pas comme ça.
Cette absence de goût propre est une bénédiction pour les industries de la culture et du divertissement (si tant est qu'on puisse les séparer) qui ont parfaitement compris ce qu'elles pouvaient tirer de cette situation.
Un gouffre s'est ouvert entre eux et eux. Dans ce gouffre, on peut y mettre beaucoup de choses. C'est comme un coffre à jouets, un coffre sans fond, où le brol s'entasse. Ce qu'ils appellent éclectisme est l'autre nom de leur absence de goût. Ils croient aimer beaucoup de choses, mais ce qu'ils aiment, c'est la répétition et la litanie sans fin d'une énumération sans queue ni tête. Ils n'ont pas le goût des chefs-d'œuvre qui rompraient l'équilibre morne auquel ils sont habitués. La seule limite est instituée par les besoins de l'industrie, par ses capacités de régénération et de recyclage. Dans ce fatras informe, les idées, les opinions, les croyances, les esthétiques et les œuvres sont des objets interchangeables dotés d'une énergie faible.
Je parle des Grands Hébétés qui nous entourent, le peuple 2.0, les habitants de ClébardLand, de ceux qui ont déjà le cerveau rempli d'aluminium.