Vous ne les voyez plus parce que vous les voyez trop. Partout, elles sont là. La moindre surface est utilisée. Il n'y a plus que la terre battue qui n'est pas encore marquée par la publicité. Ça viendra. Les marques sont omniprésentes, à Roland-Garros. Les joueurs eux aussi sont nikés, et même les petits ramasseurs de balles. Je dis les marques, mais ce qui marque, ce qui étouffe, même, c'est cette impression écrasante que les grandes entreprises sont là chez elles, que le sport (ou même le spectacle) n'est qu'un prétexte pour les mettre en évidence, pour vous les enfoncer dans la tête. On est cerné, on est camisolisé par cette puissance économique qui montre froidement ses muscles sur fond vert. Et d'ailleurs ce n'est même pas que ces entreprises auraient quelque chose à nous vendre, non, c'est seulement qu'elles veulent nous montrer qui est aux commandes, pour quelle et par quelle raison on est là. Ça ne se discute pas. Elles sont là, elles sont bien là, elles sont le cadre, la scène, les coulisses, elles sont le carburant et le véhicule, elles sont l'esprit et l'intrigue. Les Federer, les Nadal, les Williams passeront, elles seront toujours là, même si entretemps elles ont changé de nom. Toutes ces gloires du sport sont éphémères, ainsi que leurs caprices, leurs exploits et leurs personnages. Ils ont eu et auront leurs heures de gloire. C'est tellement peu de choses, pour Engie, BNP Paribas, Peugeot, Fly Emirates, Roleix, Perrier, Lacoste. La seule gloire qui ne passe pas, c'est l'argent, c'est la puissance, c'est le pouvoir. C'est la concentration du pouvoir et de l'argent.
Il ne s'agit pas de marques. Il ne s'agit pas de luxe. Il ne s'agit pas d'entreprises. Il ne s'agit même pas de banques. Il s'agit de se croire libre dans un monde qui ne le permet pas.