En tout musicien instrumentiste, il existe un paradoxe étonnant autant que déprimant. Plus il donne de récitals ou plus il joue en concert, plus il est conduit à une mort lente de l'esprit (très sensible quand on est amené à le lire ou qu'on l'écoute parler), mais dans le même temps, il acquiert indéniablement une science de plus en plus élaborée de son art. Bêtise et intelligence croissent simultanément.
Il est difficile d'expliquer que bêtise et intelligence puissent cohabiter ainsi sans que l'une ne détruise l'autre, mais c'est pourtant ce qui, parfois, conduit au génie.
Peut-être faut-il que le musicien cultive son talent en le préservant de l'intelligence, en le circonscrivant à l'intérieur d'un périmètre dont les murs sont sa bêtise. Ou bien l'effort extraordinaire qui est consenti par l'instrumentiste épuise-t-il toutes ses autres facultés ? Être un artiste de haute volée exige en tout cas une démesure qui outrepasse les limites de la raison intellectuelle.