Il voit ce cameraman tchétchène qui filme une scène de guerre très violente. Il dit au cameraman : « Tu sais que tu as laissé le cache sur l'objectif ? » Le caremaman lui répond qu'il le sait. « Mais tu sais que tu n'auras aucune image, tu ne filmes rien ! » Le cameraman lui répond qu'il le sait, et ajoute qu'il n'a pas non plus de batterie dans la caméra, ni de cassette pour enregistrer les images. L'autre lui demande alors pourquoi il filme, ce qu'il fait avec cette caméra. Le cameraman répond que c'est son métier de filmer.
Cette anecdote — authentique — montre que les professionnels font leur métier, ne peuvent pas et ne veulent pas s'empêcher de faire leur métier, même quand il savent parfaitement que ce qu'ils font ne sert à rien, et même, pourrait-on dire, que ce qu'ils font n'existe pas, n'a aucune réalité, qu'est qu'un leurre.
La police des pays européens se trouve exactement dans la même situation. Si ce n'est pas la seule profession vidée de son sens, c'est sans doute au sein de celle-ci que ce phénomène est le plus patent. Le monde réel s'est tellement éloigné de nous qu'il n'existe plus qu'à l'état de souvenir ou de spectacle.
La brutalité sans nom de la guerre à une extrémité, et à l'autre le simulacre, la parodie. La réalité de la violence quotidienne dans nos sociétés, et, simultanément, sa non-représentation représentée. Tout se passe comme si l'on montrait des professionnels en train de filmer une "réalité" éviscérée, sans caméra, sans batterie et sans cassette. Nous ne sommes plus à l'ère du refoulement mais à celle de la forclusion. Le réel ne fait retour qu'à l'état de délire.
Il existe, paraît-il, des professeurs de piano qui expliquent aux parents de leurs élèves qu'« un piano numérique c'est pareil qu'un piano ». Les parents, bien entendu, ne demandent qu'à être convaincus. Il y a trente ans, déjà, on savait bien, au fond, que la technologie serait l'ennemie irréductible de l'homme, mais on ne pouvait imaginer que la transformation nous conduirait si loin de nous-mêmes et qu'un jour, sans doute proche, il n'y aurait plus personne pour lui faire front.
La brutalité sans nom de la guerre à une extrémité, et à l'autre le simulacre, la parodie. La réalité de la violence quotidienne dans nos sociétés, et, simultanément, sa non-représentation représentée. Tout se passe comme si l'on montrait des professionnels en train de filmer une "réalité" éviscérée, sans caméra, sans batterie et sans cassette. Nous ne sommes plus à l'ère du refoulement mais à celle de la forclusion. Le réel ne fait retour qu'à l'état de délire.
Il existe, paraît-il, des professeurs de piano qui expliquent aux parents de leurs élèves qu'« un piano numérique c'est pareil qu'un piano ». Les parents, bien entendu, ne demandent qu'à être convaincus. Il y a trente ans, déjà, on savait bien, au fond, que la technologie serait l'ennemie irréductible de l'homme, mais on ne pouvait imaginer que la transformation nous conduirait si loin de nous-mêmes et qu'un jour, sans doute proche, il n'y aurait plus personne pour lui faire front.