« J'aurais préféré passer l'après-midi avec toi. » Qui est cette femme ? C'est une longue histoire. Ce sont toujours de longues histoires, même si elles ne durent que quelques semaines. Admiratrice, future amante, langue de vipère, mausolée à l'abandon, hystérie languissante, intestins en déroute… Histoires sans intérêt, toujours, mais toujours si passionnantes, dès lors qu'on les observe avec le soin qu'elles méritent. L'amour enseveli sous des tonnes de regards, le désir ensommeillé, rhumatismal, dévoyé. Les bactéries et les phrases nous protègent et nous exposent. Elle le gifle de toutes ses forces. L'oiseau-prophète est à plat-ventre sur le tapis. Les yeux de la femme tombent de leurs orbites — sa bouche comme un canapé cramoisi défoncé. Elle laisse échapper un filet de bave, tandis qu'elle se recoiffe, étonnée elle-même de sa belle violence. Je compte sur toi pour ne pas oublier ce moment, mon Cher. Qui est cette femme ? Que veut-elle ? Combien de temps jouera-t-elle son rôle ? Elle va aux toilettes. Que fait-elle là, au juste ? Elle pisse très tranquillement, comme une vache dans son pré. Elle pourrait se prénommer Sarah, Rachel, Valérie, Anne, Andrée. Elle se soulage, s'essuie, tire la chasse. La vie continue. Longue histoire que la vie entre deux hommes, entre deux appartements, entre deux vies. Albertine-Gilberte-Libertinage, tiens, je n'y avais jamais pensé. Quelle affolante liberté, dès qu'on envisage la vie comme une page de roman. « Avant toi il n'y avait personne. »