La phrase est la plus belle invention du monde, et la plus nécessaire, c'est ce qui donne tant de prix à sa réfutation par Jean-Sébastien Bach, dans Jésus que ma joie demeure.
La seule fois de ma vie, je crois bien, que je suis allé féliciter un artiste à la fin d'un spectacle, c'était après un solo de Susan Buirge, solo qu'elle avait dansé elle-même alors qu'elle était déjà assez âgée. C'était une chorégraphie sur Jésus que ma joie demeure, joué au piano par Dinu LIpatti, et c'est la seule et unique fois que j'ai vu un danseur comprendre la musique sur laquelle il dansait.
J'y pense après avoir lu cette phrase si juste et si profonde de Vincent Castagno : « Le sublime et le génie, unis et arrivés à un certain point, se confondent avec la banalité. »
Jésus que ma joie demeure est une musique qui vient de si loin qu'on ne l'entend presque plus tant elle fait partie de nous, comme nous n'entendons pas les battements de notre propre cœur.
La Joie dont il est question ici n'est évidemment pas le contentement, la réjouissance, le plaisir, ni même la jouissance, c'est la Parole, c'est le Verbe qui jaillit spontanément et sans fin du Vivant, c'est le Chant, c'est la phrase infinie, sans césures et sans coutures, et qui pourtant respire avec un naturel impossible à prendre en défaut. Il n'y aura eu que Jean-Sébastien Bach pour imaginer une musique si parfaite et si modeste, qui nous aura accompagnés sans défaillance du commencement jusqu'à la fin. Il nous aura fallu régler notre respiration sur elle, car nous savions depuis toujours que la vérité était là, malgré tout le bruit environnant.