Depuis six mois, je prends une douche froide chaque matin. Ça remplace le café. Autant cette pratique était facile, aux beaux jours, autant, la froidure venue, elle devient pénible. Prendre une douche froide, quand la température dans la maison ne dépasse pas 13°, et que l'eau est aux alentours de 10°, c'est brutal.
Dans la première minute, c'est une commotion, une secousse cruelle, on a du mal à respirer, le cœur cogne très fort, on a l'impression d'être martyrisé, battu, de recevoir des coups, et l'on pense que c'est folie, que c'est la dernière fois qu'on s'inflige ça.
Et puis arrive ce moment prodigieux, toujours surprenant, où la douleur se transforme en plaisir, où le corps modifie sa réponse, et se met à digérer le froid, à l'absorber, à le retourner. D'ennemi qu'il était, il en a fait un allié viscéral. Alors ce ne sont plus des coups sur la carcasse, mais de l'eau qui coule sur la peau. Quelque chose s'est transformé, s'est inversé. L'être reprend le dessus, et l'on peut rester deux ou trois minutes, sans souffrir. Une forme de joie intense et profonde se manifeste.
Mais le meilleur moment est celui où la douche prend fin. Alors on perçoit très directement la forge (et la force) merveilleuse qui est en nous, travaillant à plein rendement, et l'on peut rester ainsi, nu, un long moment, sans avoir froid ; la chaleur vient de l'intérieur et irradie jusqu'aux extrémités.
Toutes sortes d'émotions jaillissent en nous au contact de l'eau, à condition qu'elle ne soit pas tiède. L'eau, c'est comme la vie : la tiédeur est l'ennemi mortel. À bas les douches sympa !