Tu rugissais alors qu'éternuait la vague
matou dépenaillé qui au gin des tonics
as soigné ta jeunesse
À Nice et Saint-Jean-Cap-Ferrat
où derrière une crique je garais ma Peugeot
les palmiers tendaient leurs cous de girafe
et tu allais cul nul te baigner dans la mer
Je me souviens de tout
Les essaims de soleil dans le bleu des trompettes d'août
derrière la barricade des genoux
tes cuisses
deux faons sous le coton blanc de la jupe
(venez, petits !)
et que le vent repeigne
et vous ces tétons malicieux
donnant les directions contraires
Je me souviens
Et je coule en cette eau rouillée
***
Nous n'allons pas vivre et tout est foutu.
C'est pourquoi l'après-midi nous allons cueillir des coquelicots sur les pelouses,
nous achetons des plats surgelés
ou nous montons parfois,
quand le Soleil s'épanouit,
sur le toit des autobus et des maisons
pour nous suicider.
Nous n'allons pas vivre,
mais nous avons de beaux souliers que nous savons lacer.
Ils nous font les pieds jolis
quand nous marchons au milieu des vélos
qu'un camion va renverser.
Nous mangeons de gros gâteaux,
mais nous n'allons pas vivre
— il est trop tard, il est tôt.
Les mamans et les oiseaux vont beaucoup pleurer
car nous n'allons pas vivre.
La police vient nous chercher.
Il est trop tôt, il est trop tard.