Cora a enregistré quelques uns des textes que j'ai écrits et publiés ici. (Je dis "Cora", mais je ne sais pas son nom, car elle refuse, bizarrement, de le donner.) Elle fait ça très bien. (Ils sont étranges, vraiment, à refuser de faire connaître leurs noms. Je ne comprends pas cette manie.) Cette jeune femme, que je ne connais pas, a une voix remarquable. Elle sait s'en servir. Elle avait déposé un enregistrement, follement érotique, sur Facebook, sorte de variations sur Alice, qui m'avait stupéfié.
Je ne me suis pas trompé. Bien qu'elle n'ait jamais fait de comédie (c'est en tout cas ce qu'elle me dit), elle prend mes textes d'une façon qui m'enchante. Enfin, je peux les voir de l'extérieur ! Je peux enfin savoir ce qu'un lecteur entend. C'est précieux.
Elle prend mes textes… Comme un homme prend une femme.
Je suis parfois très surpris ce ce qu'elle en fait, mais toujours intéressé. C'est un peu comme si elle corrigeait mes textes, car, à sa lecture, je vois immédiatement ce qui est mauvais. Je vois aussi ce qui semble ne pas devoir être entendu.
Quand je dis qu'elle (Cora) a une voix remarquable, ce n'est bien sûr pas de son organe que je parle, mais de son instrument. Est-ce spontané, je l'ignore, mais son clavier est large, elle a le désir d'aller chercher loin sur sa palette ; c'est assez rare pour être signalé, surtout à une époque où la lecture blanche est canonique.
Elle doit bien avoir des modèles, pourtant… Enfin, comme j'ignore tout d'elle, je peux tout imaginer.
Ce qui serait drôle, c'est qu'elle lise ce texte. Hum…
Cora, voulez-vous lire ceci ? Ceci. Ou bien cela. Ou bien encore… Lire tout court. Lire. Lire… Et relire. Repassez par là, s'il vous plaît, mais pas par ici, non. Là, il vaudrait mieux ne pas… insister. INsister. Pensez qu'il s'agit d'une partition. Vous voyez, cette phrase, là ? Eh bien, c'est le thème. C'est un thème assez viril, assez droit. Mais vous pourrez aussi bien le féminiser, en y revenant, en modulant. Il s'agit d'une partie soliste. « Baudrillard n'a pas toujours eu la vie facile ! Quand il habitait dans le 13e, dans une tour, et qu'il souffrait la faim, c'était pas très simple ! » (Ça c'est ce qu'on pourrait appeler une digression, vous voyez…) « Il a eu du mal à publier ses premiers textes. » Pensez partition, Cora ! Partition. Digression. Obsession. Oppression.
Je ne sais rien d'elle. Ah si, elle habite Bruxelles, je crois. Enfin, c'est ce qu'elle dit. Elle a parfois tendance à ne pas bien prononcer les finales en ose… Ou alors c'est son enregistreur qui est mauvais, je ne sais pas. Mais elle ose. Ah oui, quelquefois elle ne prononce pas bien les « O ». La différence entre Nicole et la Beauce, je veux dire. Pourtant elle n'est pas méridionale, enfin je ne crois pas. Hum… (Saurait-elle faire entendre que les trois points qui précédent cette phrase sont en italiques ?)
Elle a le sens du tempo, Cora. Et ça c'est important. Je ne dis pas qu'elle ne se trompe jamais, non, mais en tout cas elle a compris que c'est une des composantes essentielles d'un texte. C'est bien, ça. C'est bien. Elle ose prendre son temps, et prendre le temps à revers. Reprendre de plus loin, de plus haut. Mais je ne voudrais pas l'influencer, en disant cela. N'est-ce pas…
Revenons à notre partition, Cora. Cora lit Cora lit. C'est possible, ça ? On dirait bien…