lundi 3 juin 2019

Parler

« Plieux, lundi 3 juin 2019, trois heures de l’après-midi. Décidément je n’arrive pas  à décider si ce phénomène tient à ma personne ou bien s’il est lié à un état de la société, à l’atmosphère psychologique et sociale de notre époque — un peu des deux, sans doute, mais tout de même plus à ceci qu’à cela. En tout cas, c’est une loi constante, dans mon expérience : les gens qui disent vouloir vous entendre ne veulent en fait que vous parler, et désirent moins vous voir que se montrer à vous, ou avec vous. Ils ont déclaré souhaiter une rencontre ; mais ils n’ont pas précisé qu’en la rencontre, telle qu’ils la conçoivent, vous n’êtes pas censé dire un mot — peut-être ne s’en rendent-ils pas compte, d’ailleurs. Ils repartent enchantés de vous, qui n’avez pas ouvert la bouche. »

Pauvre Renaud Camus. Il me semble que sur le sujet personne ne le comprend mieux que moi. Les vrais interlocuteurs sont extrêmement rares, et les vrais dialogueurs encore plus. Il n'y a plus que des monologueurs. C'est désormais monologue contre monologue, que se règle la question de la rencontre. Depuis quand n'ai-je plus eu une vraie conversation ? C'est tellement lointain que je n'en ai plus le souvenir. 

Mais un doute affreux me prend : est-ce qu'il n'a pas pensé la même chose de moi, quand je suis allé lui rendre visite en août de l'année dernière ? Il est vrai que je n'étais pas seul (seul comme visiteur). Nous étions trois, et cela modifie profondément la manière de converser avec l'hôte. N'empêche, je serais bien ennuyé qu'il ait pensé cela de moi.