samedi 31 mars 2018

Les haut-parleurs



Il y a des gens qui parlent toujours comme si nous nous trouvions à cinquante mètres d'eux. Ils ne savent pas parler sans gueuler.

Soit ils sont sourds – et l'hypothèse est assez plausible, car les sourds sont légion –, soit, et je crois que ça se vérifie dans huit cas sur dix, ce n'est pas à nous qu'ils s'adressent, mais à une foule, imaginaire ou réelle, située à quelques dizaines de mètres aux alentours. Notre marchand de légumes est comme ça. D'ailleurs, on le vérifie à son regard qui, quand il dialogue avec nous, cherche un public, dans le lointain.

Un Asensio – c'est ainsi que nous nommerons, par facilité, le scribe patibulaire issu du troupeau dont il est fait mention plus haut (les haut-parleurs) – écrit toujours en hurlant, car ce n'est pas à son lecteur qu'il s'adresse. L'Asensio parle à travers nous mais il vise la nuée – une armée qu'il imagine prosternée, ou prostrée, à juste distance de son masque d'aigle. Il nous transperce de sa parole car son postulat est que nous n'existons pas, ou plutôt, que nous n'existons qu'en tant que nous sommes ceux qui lui permettent de penser qu'il parle – ou qu'il écrit. En cela, d'ailleurs, il nous place très haut, car il croit qu'il n'existerait pas sans nous, les muets réceptacles pétrifiés par son Verbe. Ses mots et ses phrases ne sont rien d'autre que des projectiles que leur cible justifie ; mais cette cible est fantasmatique, de basse existence, et pour tout dire, irréelle : elle a la consistance de la purée Mousseline. À dire le vrai, cette quintaine se fiche éperdument de ce qu'elle reçoit, elle sait qu'il ne s'agit que des postillons d'un sergent de gare mal élevé, et qu'il suffira d'un coup de vent pour oublier la sensation désagréable qu'ils procurent dans cet instant vite oublié. Bien sûr, l'Asensio fait mine d'ignorer le geste de celui qui époussette le rebord de son veston, car sinon il s'effondrerait sous le poids de son ridicule ; au contraire, il tape de plus belle sur le clou enfoncé depuis longtemps, il écrabouille la langue d'un esprit aussi fin qu'une patte d'hippopotame. Il a beau faire un vacarme de tous les diables, avec ses phrases qui pèsent des tonnes, avec ses clins d'œil de désespéré, avec ses tics nerveux de moniteur de colonie, avec ses expressions frappées au tibia, il ne fait que brouiller furtivement la surface de la purée, placide, qui en a vu d'autres.

L'Asensio est paradoxal : il parle tout seul, comme tous les sourds, mais il ne parle que pour son public – qui n'est pas son lecteur, car aucun lecteur réel ne résisterait à deux phrases consécutives de l'Asensio. Mais, puisque nous parlons de ses phrases, voyons à quoi elles ressemblent.

Le 23 mars 2018, à 14 heures 32 très précisément, Eugénie Bastié, journaliste selon toute apparence, péronnelle de bénitier selon Laurent Joffrin, nouvelle coqueluche et même éditocrate d'un lectorat qui, très précisément aussi, ne possède pas d'yeux pour lire mais beaucoup de bouches pour répandre sa parole journalistique de passionaria contre-révolutionnaire et qui, une fois déchue de son piédestal électronique, très logiquement et dans le mouvement contraire du balancier, n'a souvent pas de mots assez forts pour stigmatiser ses mots face à un héros, ce jour-là et à cette heure précise donc, Eugénie Bastié signait sa fin de vie virtuelle, en publiant un message parfaitement ciselé, pour une fois, presque débarrassé même, et c'est une réelle surprise, des habituelles fautes de grammaire et d'orthographe déparant sa prose illettrée, message fulgurant censé terrasser de sa seule concision adamantine les hordes bovines du premier degré dont nous faisons bien évidemment tous partie, à l'exception du Maître du Petit Château du Gers, Renaud Camus Sa Majesté Solipsiste. Voici le message ayant précipité, comme l'écrit fort poétiquement la si peu sérieuse évoféministe Peggy Sastre, une shitstorm, autrement dit une formation météorologique violente à odeur fécale : «Ne jugeons pas trop vite cet homme en héros, il a peut être (sic; oui, je sais, j'ai bien dit presque) mis des mains aux fesses à Saint-Cyr». 

Est-il nécessaire de souligner, de mettre du gras où déjà il y en a trop ? On ne parlera pas non plus du fond de l'affaire, auquel seuls des imbéciles se sont intéressés. Il suffit de laisser voir, en citant l'Asensio, à quoi l'on a affaire. Cette prose parle toute seule, aux deux sens de l'expression. Elle s'adresse à la purée Mousseline dans laquelle elle baigne, elle n'a aucun lecteur, elle ne peut pas en avoir, puisqu'elle est écrite par quelqu'un qui a avec la langue le même rapport qu'un fou avec sa folie : il ne la connaît pas, ou plutôt, il ne connaît qu'un mode d'être de la langue, celui qui consiste à s'auto-évaluer en permanence, à soupeser ses muscles, à admirer ses hurlements lugubres et à les prendre pour du bel canto. Et elle parle toute seule au sens où elle se révèle immédiatement. Elle ne quitte jamais le registre de l'apocalypse. En ce sens, l'Asensio est d'une sincérité désarmante : il dit tout de lui à chacune de ses phrases, quand il croit parler de littérature, de politique, ou d'art. Il ne cesse de tirer au papegai, alors qu'il croit écrire, et jamais il n'entend l'oiseau qui ricane de se voir manqué à tout coup.

Flaubert avait inventé le gueuloir pour vérifier que ses phrases atteignaient leur but. L'Asensio a inventé les phrases qui gueulent pour ne pas voir qu'il manque son but à chaque tentative. Après chaque point, on entend une petite voix qui dit tout bas, comme Pierre qui ne veut pas qu'on sache qu'il est le disciple du Fils de l'homme : « Ich kenne den Menschen nicht. »

jeudi 29 mars 2018

Un jeune auteur de 93 ans

Marcel Lévy, que je découvre seulement, est un jeune auteur, qui, à 93 ans, publia, en 1992, je crois, son premier et dernier livre : La Vie et moi. (Non, c'est faux. J'apprends à l'instant, grâce à une connaissance de Facebook, qu'un autre livre de Marcel Lévy existe : Conversations aux Champs-Élysées.)

Je vous en livre ici son ouverture, le "mode d'emploi".


On était dans le mois où la nature est douce



Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa gorge

Je ne l’avais jamais encore écrit

Une immense bonté tombait du firmament 

Je parlais, l'autre jour, de nombreuses et lourdes liasses de billets de 500 euros, mais c'est fou comme quelques billets de 50 peuvent soulager...

Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala

Non, sérieusement

Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds

Quand Camus ne fait rien, que fait-il ?

La certitude du galérien qu’il mourra enchaîné à sa rame, ressemble au sentiment du plus grand nombre, le plus souvent refoulé

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle

Mylène Farmer ne peut pas tout, malgré son antiremplacisme

Les anges y volaient sans doute obscurément

Vous êtes le type à qui on ne peut rien cacher sérieusement et longtemps 

Car on voyait passer dans la nuit, par moment

la longue glissade d’un homme qui ne trouve rien pour s’accrocher, rebondir

Quelque chose de bleu qui paraissait une aile

Je ressasse comme un débile la défense absolue que je lui fais d’être bête

C'était l'heure tranquille où les lions vont boire


samedi 24 mars 2018

L'auteure



Comme je n'arrive pas à rédiger l'article que j'ai sous le coude depuis hier, je vous envoie lire celui-ci, qui est bien meilleur que ce que j'aurais pu écrire sur le même sujet. 

On ne perd jamais son temps à lire Lafourcade. Rien que pour avoir écrit « nous ne voyons pas comment l’on peut espérer écrire aujourd’hui un bon livre qui ne dise du mal des femmes », on l'envie. 

mercredi 21 mars 2018

Produit garanti sans névroses


****

Très satisfait de mon achat. Produit conforme à sa description, emballé très correctement, livré en temps et en heure comme d'habitude par Amazon. Je ne mets pas ***** car elle a refusé la sodomie le premier soir. Bon rapport qualité/prix. Finition soignée. Je recommande le produit. J'ai seulement quelques inquiétudes quant à la fermeté des chairs sur le long terme.

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**

Tout allait bien jusqu'à ce qu'elle nous fabrique des chocolats avec son placenta ! Depuis lors, elle est insupportable. Elle prétend avoir été violée à cinq ans par son oncle ; j'ai vérifié : elle n'a jamais eu d'oncle. J'ai tenté un retour mais Amazon ne veut rien savoir. J'avais dépassé la date limite. 

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***

Bon produit, conforme aux attentes d'un consommateur moderne et éclairé. Prix correct. Si je ne mets que trois étoiles, c'est parce qu'elle a de plus en plus souvent des migraines (une fois par semaine) et qu'elle a raté deux fois de suite la blanquette de veau à l'ancienne. 

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*

Fuites urinaires, cancer du sein, mauvaise haleine, hygiène douteuse, caractère de cochonne. Prix exorbitant. À fuir ! 

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*****

Livrée dans les délais, impeccable. Conforme à mes attentes. Esthétique moderne, propre, zéro défaut. Une réussite dans le genre. Je n'ai pas encore essayé toutes les options, mais je suis très enthousiaste. Merci Amazon !

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J'en suis à mon deuxième retour ! Heureusement, Amazon m'a remplacé le produit sans discuter, ce qui est à noter. Mais ce n'est toujours pas ça. Le bluetooth n'est pas top. À cinq mètres, elle cesse d'obéir ! Laisse traîner ses culottes sales au salon. Très passive au lit. Refus de tout extra un peu "original"… Et pour ce qui est de la cuisine, c'est limite. Peut mieux faire. La prochaine fois, je taperai dans le haut de gamme, au diable l'avarice. 

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*

Non ! N'achetez pas ! Elle m'a déjà dénoncé deux fois à la police des mœurs ! Vocabulaire plus que restreint, mauvais goût… De gauche ! Et en plus elle perd ses cheveux ! Bref, pas une réussite.

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Je l'ai appelée Nicole… Je suis accro. On va partir à Venise, c'est tout dire. Super produit ! Je recommande. 


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mercredi 14 mars 2018

Soulagement



Je suis un requin. Je comprends qu'elle ait eu peur, car on a peur des requins. Je la vois, je l'entends, aujourd'hui qu'elle est débarrassée de moi, et je comprends son soulagement. Elle l'a échappé belle. Vivre avec un requin, ce n'est pas une sinécure. Il faut le nourrir, et, sans cesse, il faut l'apprivoiser, car, en ce domaine, tout est à refaire chaque jour. 

Le requin demande des preuves de ce qu'on avance. Il ne se satisfait pas de paroles convenues, de caresses négligentes, des flatteries d'un soir. Si on lui promet un beau morceau de viande, il faut impérativement le lui donner, sinon il mord. Elle avait peu de viande, ce qui la mettait en danger. Perpétuellement, elle devait se justifier, et personne n'aime avoir à se justifier. J'ai oublié de changer l'eau de ton bassin, je t'ai abandonné trois jours sans nourriture, j'ai laissé marcher la musique alors que tu détestes le bruit, mon copain a jeté un voile noir sur l'aquarium car tu l'effrayais, ma fille t'a humilié en te jetant des épluchures de pomme, et même, un soir où j'étais saoule, j'ai pissé dans le bassin. Elle avait peu de viande mais j'aurais pu la manger, elle, et très facilement. 

Elle est soulagée. Il lui arrive d'être un peu triste, tout de même, mais ça passe vite : le sentiment qui domine est le soulagement. Comment peut-on vivre avec un requin ? Oui, j'aurais pu, bien sûr, mais cela m'aurait demandé des moyens que je n'ai pas, il aurait fallu le soigner, quand la maladie l'aurait touché, et il était très exigeant, et plus tout jeune, ce requin. Très tendre, aussi, d'accord, mais très exigeant. Pas facile. Il gardait son côté sauvage, vous voyez ? Je l'ai échappé belle ! Dans le fond, je suis mieux comme ça. J'ai fait des économies, aussi. Il faut reconnaître que ça a son importance. Un requin, ça coûte, mais ça ne rapporte rien ! Et puis j'ai plus de temps pour mes enfants ; c'est quand-même important, la famille, non ?

Elle est soulagée de ne plus avoir à me faire la conversation. C'est que je suis assez bavard. J'aime parler, et j'aime écouter parler. On ne fait pas assez attention aux requins, c'est peut-être pour ça qu'ils aiment tant la compagnie, je ne sais pas. Elle m'avait dit qu'on ne se quitterait jamais, qu'elle allait aménager son existence en fonction de moi, qu'elle m'emmènerait même au ski. Je ne la croyais pas, au début, mais c'était agréable à entendre, et puis, à force de l'entendre répéter ça avec l'opiniâtreté d'un aveugle qui cherche sa canne, j'avais fini par penser que peut-être elle disait la vérité. Et je me prenais à rêver. Mais ce n'est pas une rêveuse. C'est une…

C'est un requin, après tout. Et moi je suis un femme. Avec des besoins de femme. Enfin, je me comprends… 

Je la comprends. Moi aussi, en un sens, je suis soulagé. On ne peut pas faire confiance à une femme. Un jour ou l'autre, elle m'aurait laissé mourir de faim. Mais j'aimais bien quand elle passait sa main sur mes flancs et qu'elle me disait : « Je t'aime. Je suis à toi corps et âme. Je prendrai même ton nom : on m'appellera Requine. » J'aimais bien. Parfois, elle appelait de son travail, et elle disait, d'une drôle de petite voix chantante, sur trois notes : « Mon Amour ? » Je suis soulagée. On s'attache aux femmes. Je suis soulagée. On a tort. Les femmes sont des fakes news. Le requin, il est très bien dans son milieu. Y a pas à en sortir. C'est un prédateur. 

Je suis soulagée. 

mardi 13 mars 2018

Gukuna, ou "les escalopes qui font bravo"



(…) Positionnées l’une en face de l’autre, elles se déshabillent en faisant tomber sur le sol, toutes en même temps, le pagne qu’elles portent comme jupe. Cette opération, expliquent-elles, sert à éviter la pudeur et à éloigner les pouvoirs négatifs. Une fois nues, elles prennent place, assises par deux, l’une en face de l’autre, avec les jambes légèrement fléchies et croisées. (…) Les jeunes filles se lancent alors dans un massage mutuel très énergique, en utilisant des beurres. C’est ainsi, et pendant plusieurs années, qu’elles apprennent, par imitation, la technique du gukuna qui consiste à étirer peu à peu, mais avec force et régularité, les petites lèvres du vagin.

(…) Le gukuna conditionne la sexualité rwandaise. Elle repose en effet sur une série d’actes codifiés : les deux partenaires sont assis l’un en face de l’autre avec les jambes croisées les unes entre les autres (dans la même position que pendant le gukuna). Cette position croisée des partenaires permet à l’homme de réaliser le kunyaza, qui consiste en une technique particulière de stimulation du clitoris (l’homme tapote le clitoris avec son pénis). D’après les interlocutrices, le kunyaza permet aux femmes de "faire beaucoup d’eau" (amazi). Si une femme n’en produit pas assez, ou pas du tout, elle est appelée igihama, du verbe guhaama, cultiver un champ durci par le soleil.

(…) Le kunyaza permet à la femme d’atteindre un degré d’excitation élevé et c’est seulement quand elle est sur le point d’avoir un orgasme qu’elle se couche sur le dos et que le rapport continue avec pénétration. Le verbe utilisé à propos de l’excitation féminine est kunyaàra, qui signifie "produire d’abondantes sécrétions vaginales pendant le coït", ce qui est socialement valorisé. Dans les paroles de mes informatrices, c’est l’alliance du kunyaza (technique masculine), et du gukuna (technique féminine de préparation du corps), qui leur permet d’"arriver à destination", kuraanziga (l’orgasme).

***

Les lèvres vaginales, appelées aussi labia, sont des replis cutanés formant la partie externe visible de la vulve. Dans l’appareil génital féminin, elles forment deux paires de larges replis superposés, verticaux (position debout), les petites lèvres situées à l'intérieur des grandes lèvres et des poils pubiens qui les couvrent. Les lèvres entourent et protègent le clitoris à leur extrémité supérieure, en haut de l'espace interlabial et du vestibule vaginal et de ses deux orifices, le méat urétral et plus bas l'ostium vaginal. Les grandes lèvres sont très réduites chez les hominoïdes, à l'exception de Pan paniscus et Homo sapiens.


Les nymphes courtes mesurent de 15 à 20 mm de longueur. Le type courant mesure de 30 à 35 mm. Le type aliforme, le plus développé, en ailes de papillon, atteint 4 cm et plus. Bien qu’il les range dans des catégories, Gérard Zwang insiste sur l’extraordinaire variété morphologique de ces lamelles élastiques : chaque femme possède sa paire de nymphes, comme une marque de fabrique unique sur terre.

dimanche 11 mars 2018

François et les poupées




J'étais encore enfant lorsque Cristóbal Neverlost m'a dit : « Il faut que tu apprennes à détester les Beatles et à aimer Claude François. » Pour les premiers, je n'ai pas eu beaucoup de mal. Mais Claude François est un Christ. J'ai mis un certain temps à comprendre ça, mais il avait raison. Ce type est bien une sorte de génie, oui, parfaitement, il faut être un génie pour faire des chansons comme Si j'avais un marteau, Comme d'habitude ou Alexandrie, Alexandra. Les journalistes de l'époque, déjà presqu'aussi cons que ceux de maintenant, lui avait demandé : « Pourquoi faire toujours du commercial ? » Du commercial ?! Faut vraiment ne rien comprendre à Cloclo, pour lui poser une question pareille ! « Ça fait quinze ans qu'on me pose la même question » s'était-il alors énervé, à juste titre. Les journalistes sont ces gens qui toute leur vie posent une seule et même question en se grattant le derrière. Claude François n'avait pas à répondre à ça, il était tellement certain de sa vérité qu'il ne lui serait même pas venu à l'idée de voir les choses sous cet angle-là. C'est toujours harassant de devoir s'expliquer, quand on a raison. Thelonious Monk, Charlie Parker, John Coltrane, Lester Young, Miles Davis, Duke, c'est bien, c'est même très bien, mais ils ont cherché toute leur vie, alors que Claude François, lui, il a trouvé. Presque du premier coup. Les femmes l'ont bien senti. Les femmes sont toujours attirées par les Christ. Mais lui ne chialait pas comme les artistes maudits qui passent leur temps à se plaindre. Johnny, Eddy Mitchell, Léo Ferré, Jacques Brel, tous des petits branleurs qui voulaient se faire plaindre en tricotant laborieusement leurs petites barboteuses asymétriques. Et ne parlons pas du pauvre Brassens, chanteur pour vieilles ados sur un retour définitif et trop cuit.

Il s'est construit sa pyramide, Cloclo, et il est dedans, à l'heure qu'il est, dans la chambre secrète, avec ses blondes aux yeux bleus — qui le touchent comme le corps glorieux qu'il est — qu'il continue à prendre en photo, bien mieux que cet ennuque de David Hamilton. De la poésie, de la musique, allons donc ! Cloclo avait autre chose à foutre, et il l'a su immédiatement, c'est ce qui lui a donné tout de suite cette précision et cette intensité irrécusables. 

On ne peut pas comprendre la France si on n'aime pas Claude François. Mireille Mathieu avait bien senti ça, et elle a essayé toute sa vie, sans succès, d'être la voix de la France. Il ne peut pas y avoir deux places, quand on veut être au cœur de la pyramide. Claude François est le chanteur qui aura à lui tout seul invalidé définitivement tous les pseudos intellectuels déboutonnés qui daubaient sur "le commercial". Il n'y a guère que Sartre qui aura pu rivaliser un peu, un tout petit peu, avec le blondinet génial. Ce n'est pas pour rien que sa première passion s'appelait France Gall, cette dernière étant un temps accompagnée  par un groupe nommé "les Français". À cette époque-là, les Français gagnaient encore le concours de l'Eurovision, même si c'est le Luxembourg que France Gall représentera en 1965, avec la chanson composée par Gainsbourg, dans laquelle celui-ci s'inspire d'un des thèmes du dernier mouvement de la première sonate de Beethoven. Mais la pauvre France Gall n'était qu'une poupée sans voix, ce que Cloclo comprend parfaitement quand il l'entend chanter à Naples ce soir de mars. Et puis, aurait-elle eu une voix qu'il aurait fallu la faire taire, plus encore. Le caveau du blondinet génial ne se partage pas, même avec une poupée aux yeux bleus qui prétendrait l'ouvrir et les fermer. François n'a pas besoin de "s'inspirer" de Beethoven, lui. 

J'ai connu une strip-teaseuse, il y a une vingtaine d'années, à Paris, dont la sœur, strip-teaseuse également, arrondissait ses fins de mois en allant sucer "la voix de la France" (c'est elle qui employait cette expression) chez elle, une fois de temps à autre, et j'adorais qu'elle nous raconte ses équipées buccales et cocardières, avec son sirupeux accent brésilien. Imaginer cette fille en train de promener sa langue entre les lèvres fripées et exténuées, mais tout de même fumantes, de "la voix de la France" me plongeait à chaque fois dans une grande joie. Cette jeune femme très dégourdie n'aurait jamais plu à la véritable voix de la France (elle était brune et avait les yeux noirs), mais ça je me suis bien gardé de le lui dire. N'empêche, quand dans cette boîte, une des filles faisait son numéro sur Alexandrie, Alexandra, et c'est arrivé plus d'une fois, il me semblait évident, à l'époque, qu'il ne pouvait s'agir que d'un second degré assez méchant pour notre Claude national. Eh bien je me trompais. Ces jeunes femmes, pour la plupart, adoraient cette chanson, et n'auraient jamais eu l'idée de s'en moquer. J'aurais dû m'apercevoir alors qu'il se passait quelque chose d'étrange, entre les générations, mais j'avais d'autres chats à fouetter, et on ne voit que ce que l'on est capable de voir et d'entendre à un moment donné. J'étais aveugle et sourd, aveuglé par de superbes paires de fesses dont les denses forêts tropicales cachaient mal mon arbre dressé (à tous les sens de ce mot) de petit bourgeois parisien. Je me moquais éperduement des musiques choisies par ces adorables créatures, et j'avais même développé une sorte de muscle virtuel qui me permettait de baisser des paupières auditives pour me concentrer sur le sens de la vue. Autant dire que Claude François était le cadet de mes soucis, et n'importe qui m'en aurait entretenu alors aurait provoqué chez moi une surprise colossale et non feinte. 

J'aime ces retours imprévus, ces dégoûts qui nous reviennent en plein visage, mais avec une physionomie méconnaissable, de longues années après que la vie semble avoir atteint son acmé et où nous sommes tellement certains d'être arrivés au terme d'une évolution unidirectionnelle et dont le sens prend un caractère quasi sacré, tellement le personnage dont on a fini par accepter qu'il soit bien nous nous semble parfait, parfaitement accompli, terminé, abouti, fini, clos. Les retours dont je parle sont des retours qui ouvrent une autre voie à travers les miroirs, une autre histoire, ils portent en eux un ferment qui ne cesse jamais d'agir, et qui agit d'autant plus que nous nous croyions définitivement insensibles à son action.

Chaque nation a ses poupées, et l'âme d'un pays se lit dans la manière dont celui-là les caresse, les maltraite, les démonte et les montre. Il y a du monstre en Claude François, bien sûr, idiot serait celui qui le nierait ou chercherait à diminuer la puissante magie noire qui le faisait alors paraître beau. Il n'est pas question de nier qu'il possède une voix atroce, et un physique à la mesure exacte de cette voix, ni que ses chorégraphies sont d'une laideur stupéfiante, au sens propre. Tout cela crève les yeux, et l'écran, et le goût. Ah, vous faites donc partie de la famille ! dit le spectateur incrédule de sa propre vie, et incrédule surtout de constater qu'il fait bel et bien partie d'une humanité qui ne sépare pas tout à fait Claude François et Luciano Pavarotti, ni Breivik et la littérature. Quel rapport avec le Bel Canto ? Mais écoutez donc Si j'avais un marteau ! Qu'on est loin de Gainsbourg et de ses seconds degrés téléphonés qui se croient malins ! 
Si j'avais un marteau / Je cognerais le jour / Je cognerais la nuit / J'y mettrais tout mon cœur / Je bâtirais une ferme / Une grange et une barrière / Et j'y mettrais mon père / Ma mère, mes frères et mes sœurs / Oh oh, ce serait le bonheur… 
Mettez-y une musique de Bellini, faites-le chanter en italien, vous allez voir que ça fonctionne très bien.  Pas de pseudo-sophistication tapette à la Beatles, on est plus près de Pétula Clark, et de son Down-Town. Des enchaînements d'accords bien carrés, francs du collier, c'est de la variété qui ne pète pas plus haut que son cul mais qui connaît son affaire et ne vous vend pas des cravates en Tergal pour des carrés Hermès. D'accord, Pétula Clark chante beaucoup mieux que Claude François, et ne parlons même pas d'une Céline Dion aujourd'hui, mais ces trois là vont directement au but, sans se trémousser du croupion pour masquer le néant qui les habite. Le néant, ils l'accueillent, mais ils n'en parlent pas, ça ne se fait pas de parler de ces choses-là quand on fait de la chanson. L'humanité s'est plantée à l'embranchement, la cause est entendue. Mais quand on remonte un peu le temps, une fois tous les dix ans, on ne peut s'empêcher de se demander à quoi ressemblerait le monde si… 


À l'évidence, le monde n'a plus les yeux bleus et les cheveux blonds. Claude François a perdu la partie, enfin, nous avons perdu la partie, parce que lui, il a gagné, il s'est retiré à temps, et il est peinard dans sa pyramide électrique où personne n'aura idée d'aller lui expliquer sociologiquement que la France n'était pas ce qu'il croyait. De toute manière, les blonds aux yeux bleus, ça terrorise les survivants, et moins il y en a, plus ils sont effrayants. Claude François meurt le 11 mars 1978, et Breivik naît le 13 février 1979, soit moins d'un an plus tard. Dans ces quelques années où nous eûmes vingt ans (dix ans après 1968), des plaques tectoniques silencieusement ont glissé l'une sur l'autre, provoquant un changement radical de paysage, mais comme il faut une génération au moins pour que les yeux s'ouvrent sur une réalité entièrement nouvelle, c'est aujourd'hui qu'il nous semble que nous découvrons le monde qui est né à ce moment-là. Ces trente années ont été celles durant lesquelles le marteau de Claude François a définitivement changé d'emploi. 


C'est le marteau du courage
C'est la cloche de la liberté
Mais la chanson c'est pour mon père
Ma mère, mes frères et mes sœurs
Oh oh, pour moi c'est le bonheur
C'est ça le vrai bonheur

samedi 10 mars 2018

9 mars



« Les femmes cherchent un féminin à auteur : 
il y a bas-bleu. C'est joli, et ça dit tout. À moins 
qu'elles n'aiment mieux plagiaire ou écrivaine. »

Jules Renard, Journal



Elles auront réussi, ces andouilles, ces salopes, ces connasses, à nous dégoûter des femmes ! On en avait déjà après quelques unes, bien sûr, mais là c'est le genre entier et la moitié de l'humanité qu'on a envie de mornifler, pour cette suffisance gueularde, pour ces criailleries perpétuelles, pour ces désespérants caprices salopés de mauvais goût. Les-femmes, et c'est ce qui pouvait leur arriver de pire, ont donc définitivement rejoint la patibulaire armée des minorités maugréantes, qui pourrissent les nations par le fondement. Elles n'ont pas compris, ces imbéciles montées sur ressorts multi-culturels, que les femmes ne sont pas, n'ont jamais été, et ne pourront jamais être une minorité, que c'est là un parfait non-sens, et qu'à rejoindre ainsi les Noirs, les Juifs, les Maghrébins, les homosexuels, les roux borgnes, les obèses et les trans, les jardiniers unijambistes, les revenus de la mort convertis à la poésie de Christian Bobin, les admirateurs d'Alexandre Jardin et les ex Miss Picardie tombées sur des malandrins bouddhistes, elles ridiculisent jusqu'à leur tour de taille et la blancheur de leurs dents, qu'ainsi leurs jambes se raccourcissent et leurs doigts se boudinent.

Depuis le temps que la femme est l'avenir de l'homme, ce pauvre couillon a eu le temps de disparaître cent fois dans les jupes post-historiques de l'hyper-démocratie revancharde et braillarde qui nous tient lieu de nation, étranglé qu'il est par le string douteux d'authentiques harpies qui n'ont d'autre ambition que d'exercer un pouvoir qu'elles n'ont jamais mérité que par le prestige de leur hystérie d'adolescentes mal élevées. La revendication comme mode de vie est l'art pitoyable du morveux, de celui qui met en avant sa faiblesse pour mieux mordre les mollets de qui conçoit sa force héritée, naturelle ou acquise, comme une exigence morale et un devoir de tous les instants.

Les-femmes de 2018 sont grosses de toute la connerie maladive d'une époque, elles sont les Maos de notre temps, dont l'ambition est de défaire en une génération, sous la menace et le chantage perpétuels, ce que la race française a édifié patiemment en plusieurs siècles. Elles sont à la pointe du combat de tous les désastres, le quota est leur schnouff, la plainte leur leitmotiv, la laideur ostentatoire est le coup de poing américain dont elles cognent sans répit le mâle anesthésié et dévitalisé qui exige les coups qu'il reçoit du matin au soir. Désirant à la fois le beurre et l'argent du beurre, elles ne cessent de vouloir rivaliser avec les hommes qu'elles accusent d'être des hommes, d'être des femmelettes, d'être différents d'elles, trop semblables, pas assez féminins et pas assez virils, trop forts et pas assez, jalousant leur brutalité pour ensuite mieux la condamner, l'espérant bête de sexe et cajoleur niais, pousseur de landaus et torcheur de culs breneux, mais bientôt justicier implacable qui fait barrage de son corps si madame est menacée ou seulement insultée, trader impitoyable ou élégant manager, tout cela bien entendu pour assurer le confort du nid dont par ailleurs elles se foutent éperdument dès que l'envie leur prend d'aller faire bercer leur névrose ailleurs. Elles veulent des souteneurs gentils et niais, mais des souteneurs tout de même. Elles veulent des hommes attentionnés, tout-ouïe, serviables, doux, des hommes-femmes bardés de tablettes-de-chocolat et de chéquiers, lisses comme des sex-toys passés au papier émeri et lessivés d'idéologie. Elles veulent leurs emplois, leurs salaires, leur pouvoir, leur visibilité sociale et finalement leurs places, mais sans les contraintes et les inconvénients qui en sont les contreparties obligées. Le syndicat féminin est tout puissant, mais il continue de faire comme s'il était tenu sous l'impitoyable talon du sexe fort. C'est toujours la très classique histoire du dominant qui a compris que pour l'être, le meilleur moyen était encore de se proclamer dominé. Minorität über alles !

Il n'y a pire cauchemar que "l'homme idéal" décrit d'abondance dans la presse et la littérature féminines, cette usine à sottise subventionnée qui tourne à plein régime, garnit les salles d'attente et décore les étagères de nos modernes divinités, faisant exister des milliers de petites chefaillonnes vitupérantes qui rédigent nuit et jour le bréviaire moral et esthétique de la Cité, entre calories et cunnilingus, sorties culturelles et stratégies de drague, ventre-plat et désir-d'enfant, seins-qui-ne-tombent-pas et littérature-de-femmes, prescriptions vertueuses et imaginaire. Vous voulez voir, vous voulez savoir ? Regardez un défilé de mode masculine, et vous serez fixés sur ce qui vous attend. L'homme idéal est une sous-femme, comme le Français idéal est un sous-chien. L'homme idéal n'existe qu'en tant qu'il disparaît sous sa doublure asexuée, que le genre en lui remplace le sexe, phallus à la fois banni, proscrit et idéalisé pour rire, d'où la mode putride des ignobles sex-toys, remplaçant les antiques godemichets comme les tags ont remplacé les graffiti. Comment ne pas voir que ces jouets (sic) se veulent tout simplement les instruments de l'effacement de l'homme comme partenaire sexuel, et comme partenaire tout court ? Elles n'ont déjà plus besoin d'un phallus pour jouir, et demain elles n'auront plus besoin de la semence d'un homme pour procréer, sans compter que le fardeau de la grossesse leur sera épargné, grâce à l'utérus artificiel. D'ailleurs, parler encore de procréation est un abus de langage. Comme le tout un chacun hyper-démocratique, les-femmes veulent pouvoir créer, et non plus procréer, elles y ont droit !

Depuis le temps que la femme est l'avenir de l'homme, l'odeur de cet avenir a fini par arriver jusqu'à nos narines – et cette odeur est celle du ressentiment –, la physionomie de ce futur a depuis longtemps cessé d'être mystérieusement engageante et a revêtu les traits grimaçants de la catastrophe, que seuls des aveugles consciencieux tiennent pour irréelle. L'obsolescence de l'homme, ce n'est pas seulement celle de l'humain, c'est aussi celle du mâle. Celui-ci a fait son temps, et ce temps coïncidait avec celui de la civilisation, comme le temps de la bourgeoisie coïncidait avec celui de la culture. Qui ne voit pas la coïncidence entre féminisme (je dis "féminisme", mais j'entends par là la vérité du féminisme, qui est la féminisation) et désastre ne voit rien du tout. L'islam et les femmes, par exemple, bien au-delà de tout ce qui devrait les séparer, ont opéré une jonction stratégique majeure et, sans elles, celui-là n'aurait jamais eu la puissance corrosive qu'il déploie chez nous en toute impunité. Le terrain était pour ainsi dire débarrassé, la place libre, la vacance propice, les hommes ayant déserté leur destin et s'étant défaits de leur responsabilité immémoriale, sous la pression égalitaire du gynécée électrique et asexué. Un homme qui tient tête à une femme, aujourd'hui, se sent toujours plus ou moins en garde à vue, un homme qui persiste à rester masculin est immédiatement pris dans le viseur des snipers en leggings, des Haldeuses en embuscade, des Alonzo numériques, et sait que la chambre correctionnelle n'est pas loin. Les-femmes, même et surtout en pantalon, sont les plus sûres alliées des métiers de robe. Les prétoires les attirent comme la merde les mouches. Vengeance et ressentiment sont les deux pôles entre lesquels leurs pulsions tourbillonnent en une sarabande démoniaque.

Le patriarcat n'existe pas, contrairement au matriarcat. Le patriarcat, c'est la version naturelle (c'est-à-dire fondé sur la nature) des rapports entre hommes et femmes, et de la filiation. Il fallait donc d'abord déconstruire la-nature, afin de permettre ce renversement inouï et bouffon qui attribue aux femmes le sceptre, l'ensemble des prestiges et des pouvoirs, prologue indispensable à la désagrégation générale des fonctions et des rôles, et de la langue qui les sous-tend en les reflétant. Les trans et les "autres genres" n'ont bien sûr pas tardé à s'engouffrer dans la brèche. Même les bêtes s'y mettent : est-ce la quantité phénoménale d'œstrogènes déversés dans la nature qui nous plonge dans un état de contre-nature, en plus des pollutions chimiques de l'industrie, en plus d'un vice idéologique profond, signe d'un trop réel désespoir vital ? Les cancers des testicules explosent, les malformations génitales aussi, le sperme n'est plus ce qu'il était, la longueur périnéale diminue, et, dans le même temps, les gardes-chiourme en string voient leur agressivité augmenter de manière exponentielle. On se plaint beaucoup de l'effondrement de la syntaxe, « l'autre dans la langue » qui tient le locuteur à distance de lui-même et le maintient presque malgré lui dans la pensée et la logique, mais je suis persuadé que cet effondrement n'est pas un hasard, et qu'il est l'inévitable résultat que les mamans au pouvoir ont poussé devant elles pendant que leur doubles masculins poussaient les landaus. La langue se défait du même mouvement que la nature, sous les incessants coups psychotiques de la féminisation : l'écriture dite "inclusive" en est la grotesque preuve en actes.

Le devenir-femelle de l'espèce humaine est sans doute la plus grande catastrophe que celle-ci-ci ait eu à affronter. Sur le toit du monde, un nid de serpents forme figure inhumaine, et sa grouillante perplexité de bidet en déroute nous terrorise quotidiennement de son manque d'humour. Hidalgo, à Paris, Merkel, à Berlin, Ségolène Royal, Rachida Dati, en France, Christine Lagarde, à Washington, Christine Angot, devant son traitement de texte, Léa Salamé, face aux hommes politiques, et tant d'autres, tous ces culs-de-plomb, absolument tous, font jour après jour la pénible démonstration qu'ils ne sont pas à leur place, qu'ils n'occupent ces fonctions que pour les ridiculiser ou les anéantir, que leur être profond ne consiste qu'à hurler à la face des hommes qu'ils, qu'elles-ont-le-droit, elles aussi, d'occuper le fauteuil et de parler fort. L'égalité des sexes est un poison aussi délétère que le mythe de l'inexistence des races.



… en hommage aux Wiener Philharmoniker

mercredi 7 mars 2018

Les choses



Le cinéma se cache sous une vieille couverture. (Godard)

Gustav Mahler, seul, enfant, dans la forêt. 

Et mes couilles, tu les aimes, mes couilles ?

Tu sais, on ne va pas faire un film là-dessus !

Si Schoenberg ne s'était pas complètement fourvoyé dans l'atonalité, il aurait composé du rap. 

Une maison occupée par des chrétiens.

On fait presque toujours le contraire de ce qu'on avait prévu.

Pourquoi ne pas avoir forcé les choses ?

Son père l'emmène un jour se balader dans cette forêt.

Homère appartenait à une civilisation qui s'est développée non pas en opposition, mais en accord avec la nature.

Être juif c'est comme avoir un bras en moins.

Prendre, modestement, le parti des choses.

Celui de la séparation ?

Porteuses



Les mères porteuses ne sont pas des mères, ce sont des usines à névroses, des distributeurs de pénalité, des fabriques de matière humaine indifférenciée. 


mardi 6 mars 2018

Voyage




Si nous vivons à une époque où voyager n'a jamais été si simple, le voyage a pourtant disparu.

D'abord la vitesse à laquelle nous nous déplaçons réduit le monde à une cour d'immeuble, ou au mieux à un arrondissement parisien. Ensuite, voyager est inutile, puisqu'il n'y a plus d'étranger, ni d'étrangers, et que les coutumes, les langues, les cuisines et les manières de vivre du monde entier occupent désormais notre salon. 

Le lien immémorial entre les races et leurs ciels, leurs paysages, leurs architectures, leurs habitus, est désormais rompu. À cause du moteur. 

Ce que nous avons perdu est irremplaçable : ce n'est pas seulement que les dimensions du monde se sont réduites – phénomène encore aggravé par une surpopulation démentielle –, c'est qu'il s'est considérablement abîmé, qu'il a perdu ce qui en faisait le prix et la saveur : le divers, le caractère irremplaçable et incopiable, non reproductible, infalsifiable, des singularités qui le peuplaient. Nous sommes passés d'un monde analogique à un monde numérique, et ce n'est pas pour le meilleur (le numérique permet la reproduction à l'identique, alors que l'analogique ne fait qu'imiter, conservant toujours une distance entre le sujet et la reproduction, gardant à l'être ou la chose son essence et son lien avec l'origine).

De la contrefaçon des produits nous sommes passés à la falsification des procréés. Nous vivons désormais dans un faux généralisé à l'ensemble de la réalité ; nous avons été expulsés de l'original pour nous enfoncer et nous diluer dans la copie, au prétexte morbide qu'il en fallait pour tout le monde. 

Les seuls vrais explorateurs de notre temps sont ceux qui ne bougent jamais de leur chambre. Ils savent trop que participer, si peu que ce soit, au tourisme planétaire, aux "déplacements" de leurs congénères, contribue avant tout à faire disparaître l'autre, et que cette disparition est sans retour. Pour pouvoir se déplacer, il faut avoir une place, et que l'autre ait une autre place. Et il faut que du temps prenne corps entre les deux places ; sans le temps, il est parfaitement illusoire de croire voyager. 

Un étrange artiste



C'est un artiste étrange : il peint sur sa toile ! 

Je lui dis qu'il enfreint toutes les règles de l'art contemporain, qui veulent qu'un artiste peigne à côté de sa toile, ou, au moins, au dos de celle-ci, mais il ne veut rien entendre, et il a continue à peindre dans le rectangle blanc qu'il a sous les yeux, comme un idiot, comme un demeuré. Je l'invite alors à chier sur sa toile. Il fait la sourde oreille. Je lui apporte des bocaux contenant des menstrues fraîches, qu'il pourrait avantageusement utiliser pour faire œuvre ; il les refuse. Je lui propose de vomir dans mon gobelet en plastique, afin qu'il puisse utiliser cette précieuse matière pour amorcer un autoportrait ou un chemin de croix… Le bonhomme continue imperturbablement à utiliser pinceaux et peinture à l'huile, toile et palette. Pis, il peint un paysage ! Ce ne sont pourtant pas les concepts qui manquent, lui dis-je, en désespoir de cause.

Je n'avais jamais rencontré une telle mauvaise volonté, ni éprouvé un tel mépris de la sagesse la plus élémentaire. Si au moins il était jeune, très jeune, on pourrait comprendre son goût de la provocation, et pardonner  cette lubie de jeunesse… Mais le pauvre vieux doit avoir dans les soixante ans ! J'ai de la peine pour lui. Il va se mettre toute la communauté à dos, et tout ça pour une ridicule provocation !

Enfin, j'aurais au moins essayé de le faire changer d'avis, j'ai fait mon devoir, j'ai la conscience tranquille.


lundi 5 mars 2018

Un entretien essentiel



Entretien de Renaud Camus, donné au magazine hongrois Mandiner


1. Vous avez inventé la notion du Grand Remplacement. Vous assurez que ce n’est pas une théorie, mais la réalité la plus évidente de notre époque. Comment présenteriez-vous ce phénomène aux lecteurs hongrois ?

— Les lecteurs hongrois ne connaissent pas leur chance d’avoir besoin qu’on le leur présente ! Qu’ils s’en gardent comme de la peste ! C’est une horreur ! Pour les Français, les Anglais, les Suédois, même les Italiens à présent, le Grand Remplacement c’est l’expérience quotidienne, la réalité toute nue : l’immigration de masse, la submersion démographique, le changement de peuple et de civilisation, la transformation ethnique, l’islamisation, l’africanisation, le génocide par substitution. Sur un territoire donné il y avait un peuple, depuis des siècles, et tout à coup, en l’espace d’une ou deux générations, il y en un ou plusieurs autres. Le peuple indigène n’est pas éliminé, encore qu’il subisse énormément d’attentats et d’agressions de droit commun, mais il est progressivement submergé, noyé, effacé de la photographie, remplacé.

2. Vous soulignez que le Grand Remplacement n’est pas une vision complotiste. « On me reproche au contraire, en général, d’être flou sur les causes du Grand Remplacement. Et là c’est moi qui suis prudent, car j’essaie d’unir, pas de diviser » – déclarez-vous, quand même vous parlez « d’un faisceau convergent d’intérêts et d’interdits ». De quels intérêts et interdits s’agit-il ?

— De ce que j’appelle le remplacisme global, et plus récemment la davocratie, et même la davocratie directe : la gestion du parc humain par Davos, vous savez, cette station suisse où les grands financiers du monde tiennent annuellement leur congrès de Nuremberg. Le Marx du remplacisme global c’est Frederick Winslow Taylor, et son Das Kapital c’est le grand livre de Taylor, The Principles of Scientific Management. Les intérêts sont ceux de l’économie, aux deux sens du terme : une vision du monde purement économique, et, plus précisément, financière ; le désir de la dépense moindre, des économies, par le biais de l’égalisation, de la normalisation, de la standardisation, du low-cost généralisé. Cinématographiquement, le remplacisme global, c’est Les Temps Modernes + Metropolis + plus Soylent Green. Les hyper-riches, la finance hors-sol, imposent la prolétarisation générale par le truchement du mélange forcé, du broiement de la matière humaine en une pâte industrielle indifférenciée.

3. Vous mettez souvent en comparaison l’Holocauste et le remplacisme. Quels sont, selon vous, les traits communs de ces deux phénomènes ?

— L’industrialisation, principalement, le traitement de l’homme comme matière. Je n’assimile en rien les deux phénomènes, les traits spécifiques de l’Holocauste m’apparaissent distinctement ; mais d’abord je crois qu’on peut toujours tout comparer, ne serait-ce que pour mieux distinguer. On voit toujours l’Holocauste comme un crime contre les juifs, et on a bien sûr mille fois raison. Mais c’est aussi un crime contre l’homme, contre l’humanité de l’homme. J’ai un grand débat sur ce point avec mon ami Alain Finkielkraut, qui considère l’Holocauste comme un isolat, une horreur non-pareille, à laquelle il ne faut rien comparer. Je pense au contraire, de façon plus noire, que c’est l’hypercentre du mal, le cœur des ténèbres, le chapitre le plus épouvantable d’un histoire commencée bien avant lui, sans doute avec la Révolution industrielle, et qui n’est pas terminée, bien loin de là : celle de la déshumanisation de l’homme, de sa réduction à l’état de matière, cendres, abat-jour, pâte alimentaire. Les boîtes à hommes des mégapoles d’Asie et d’ailleurs, où les ouvriers paient des fortunes pour des espaces où ils ne peuvent même pas se tenir debout afin d’être près d’un travail où ils gagnent à peine de quoi payer leur loyer, sont les héritiers des châlits d’Auschwitz : ils participent de la même histoire. Il ne faut jamais oublier que les usines Ford d’Allemagne étaient étroitement voisines des camps de la mort et travaillaient en étroite symbiose avec eux. Hitler était un grand admirateur d’Henry Ford, antisémite ardent dont il avait la photographie sur son bureau, à la chancellerie. Ford est l’homme qui a le mieux mis en pratique les enseignements de Taylor. Il a eu l’idée géniale de vendre ses voitures aux ouvriers qui les fabriquaient, de faire du producteur le consommateur. Aujourd’hui le remplacisme global va plus loin, il fait du consommateur le produit : voyez les Gafa.

4. « La Hongrie et les autres pays de Visegrád sont la citadelle, le Buda de notre espérance » – avez-vous écrit dans votre réponse à ma demande d’entretien. Est-ce que l’Europe centrale serait le dernier rempart au remplacisme ?

— De l’antiremplacisme, je pense que vous voulez dire, n’est-ce pas ? De la résistance au remplacisme ? Oui, je pense que les pays du centre et de l’est de l’Europe ont été vaccinés par les horreurs de l’occupation communiste, et de ce totalitarisme-là, contre cet autre totalitarisme, ce totalitarisme qui vient, qui est déjà là en Europe de l’ouest, le remplacisme. Pour paraphraser Marx on pourrait dire qu’un spectre hante l’Europe, le remplacisme. Mais c’est en Europe occidentale et à Bruxelles que son emprise est la plus forte. Dans ces régions qu’on rattachait jadis au monde libre, une répression sourde s’abat sur les opposants au remplacisme global, qui comme moi sont chassés de partout et deviennent des morts-vivants. La liberté s’est retournée dans son lit, elle a changé de camp et de côté. Si ressurgissait le Rideau de fer, ce qu’à Dieu ne plaise, les dissidents d’Europe de l’Ouest le franchiraient au péril de leur vie pour “passer à l’Est”. J’ai de plus en plus d’amis qui me disent chercher un appartement à Budapest. Et c’est en ne plaisantant qu’à moitié que je recommande pour la France une demande d’adhésion au pacte de Visegrad.

5. En Europe, de plus en plus de voix s’élèvent contre la migration de masse, mais vos réflexions sur ce sujet se distinguent par un trait très particulier : vous les placez dans une perspective plus large. Vous pensez que le Grand Remplacement s’inscrit dans un remplacisme global qui substitue le faux au réel, la copie à l’original, aboutissant à la production de la Matière Humaine Indifférenciée (MHI) que vous nommez aussi le Nutella humain. Comment devons-nous imaginer cette MHI ?

— Le Grand Remplacement n’est pas une théorie, c’est un nom, qui vaut ce qu’il vaut, pour un phénomène énorme, incontestable et désastreux, le changement de peuple, le génocide par substitution. Le remplacisme global, lui, en revanche, est bel et bien un concept, une vision du monde. Je crois que le geste emblématique de la modernité post-industrielle est le remplacement, l’action de remplacer, le fait de substituer : le vrai par le faux, l’authentique par le simili, l’indigène par l’allogène, le naturel par le fabriqué, le coûteux par l’économique, le complexe par le simple, Venise par Venise à Las Vegas, Paris par Paris à Pékin, Versailles par EuroDisney, le monde réel par son imitation touristique, la pierre et le marbre par l’aggloméré, le bois par le plastique, la littérature par le journalisme, le journalisme par l’“info”, l’art par la science, la science par les “sciences humaines”, l’expérience de vivre par la sociologie, le chagrin par les statistiques, l’Europe par l’Afrique, la culture par le divertissement, la nature par l’artificialisation, la ville et la campagne par la banlieue universelle, la musique par la sonorisation forcée, la montagne par les remontées mécaniques, l’homme par la femme, l’homme et la femme par les robots, les mères par les mères-porteuses, la procréation par la gestation pour autrui, l’humanité par la post-humanité, l’humanisme par le transhumanisme, l’espèce humaine par la Matière Humaine Indifférenciée, oui, la MHI, l’homme-produit, le Nutella humain — une pâte industrielle douteuse fabriquée et livrée à flot continu.

6. « Hitler a commis deux génocides : 1/ des Juifs, de son vivant 2/ des blancs en rendant impossible, par le premier, toute référence à la race » – écrivez-vous. Qu’est-ce que la race signifie pour vous ?

— Le crime ou la sottise des antiracistes a été de prendre le mot race exactement dans le même petit sens minable, pseudo-scientifique, que les racistes, alors que dans la plupart des langues, et en tout cas en français il avait un sens très vaste et très complexe, chatoyant, éminemment poétique et littéraire, culturel au dernier degré, tout mêlé de civilisation, de paysages, de mythe et d’histoire. Le seul fait qu’on ait pu parler de la race française, par exemple, comme l’ont fait tous les écrivains et tous les personnages historiques français pendant des siècles, suffirait à prouver qu’on n’est pas “raciste” puisque cette “race” française, par chance, n’a que fort peu de caractère ethnique, pas plus que la race des avaricieux ou celle des peintres du dimanche. La réduction antiraciste et raciste du mot race à d’étroites définitions scientifiques, d’ailleurs très opportunistes et approximatives, a permis la proclamation du Dogme de l’Inexistence des races, l’Immaculée Conception de l’antiracisme et du remplacisme global, qui à son tour était la condition nécessaire du Grand Remplacement, de la substitution ethnique, du broyage de l’espèce au creuset de l’antiracisme. Tout ce qui travaille à l’abolition des frontières, entre les races, entre les classes, entre les sexes, entre les genres, entre les arts, entre les niveaux, entre les nuances, entre les distinctions, tout cela travaille à la MHI.
J’ai appelé Seconde Carrière d’Adolf Hitler, dans un essai de ce titre, sa carrière inversée, sa carrière de fantôme omniprésent, butoir de toutes les phrases et deus ex machina de toutes les actions, cela au prix d’un naïf renversement terme à terme. Hitler avait voulu éradiquer une race ou deux (selon sa terminologie), puisque c’est comme ça on va les faire disparaître toutes (et d’abord la blanche, tout de même, la plus rare, la plus privilégiée et la plus criminelle (suivant la nouvelle terminologie)). La Seconde Carrière est moins directement criminelle que la première, elle ne gaze personne, mais elle est de plus grande ampleur encore (et pareillement industrielle). La réplique, le remplacisme, est moins concentrée que le tremblement de terre lui-même, le nazisme, mais elle intéresse des territoires beaucoup plus vastes — cette fois trois continents sont concernés, et des centaines de millions d’hommes.
Le racisme avait fait de l’Europe un champ de ruines. L’antiracisme en fait un bidonville haineux. Le génocide moderne a fait d’immenses progrès de relations publiques. Il se soucie de son image médiatique. Il a compris qu’il devait s’opérer au nom du bien : un génocide qui ne vous vaut pas un prix Nobel de la paix est un génocide raté. Il a d’ailleurs découvert qu’il n’était même plus nécessaire pour lui de tuer. Il lui suffit de remplacer. C’est un peu plus long, mais tout aussi efficace.

7. Selon Alain Finkielkraut, le Grand Remplacement est sur toutes les lèvres. Comment jugez-vous l’impact de vos pensées sur la vie intellectuelle (et politique) française ?

— Nul. Ou bien comme un minuscule ruisseau, qui court sous le glacier et annonce sa fonte prochaine. Mais en surface et dans toute la masse glaciaire il ne se passe absolument rien. Le changement de peuple est ce-qui-ne-doit-pas-être-nommé.

8. Autrefois, vous étiez fort populaire dans les milieux progressistes, mais vos prises de position plus récentes vous ont valu l’ostracisme, l’exclusion. Nous avons récemment publié un entretien avec Alain de Benoist qui pense qu’ « il y a des époques où l’ostracisme que l’on subit représente tout simplement le prix de la liberté » . Il ajoute quand même que « ce système d’exclusion est en train de craquer de toutes parts : la banquise (idéologique), pourrait-on dire, a commencé à fondre » . A-t-il raison ? Quelle relation avez-vous actuellement avec les « milieux intellectuels » ?

— Tiens tiens, la banquise… Je vois que nous avons à peu près les mêmes images… Je n’ai aucune relation avec les milieux intellectuels, suis chassé de partout, invité nulle part, sali et calomnié de toutes les façons possibles, traîné dans la fange. Je me fais couramment traiter de tout ce qu’il y a de pire et que je suis le moins, pédophile, antisémite, négationniste. Je n’existe pas. Je suis un mort civil. Je mène la vie d’une ombre. Par chance ça me va assez bien.

9. En 2000, vos remarques sur la sur-représentation des journalistes juifs dans une émission de radio de France Culture ont suscité un scandale. De nombreux intellectuels – dont Bernard Henri-Lévy – vous ont accusé d'antisémitisme pendant que Finkielkraut ou Emmanuel Carrère ont pris votre défense. Comment vous souvenez-vous de cette affaire ? Est-ce qu’il y a une leçon que nous pouvons en tirer ?

— Cette affaire était bien pire que ce qui m’arrive aujourd’hui car elle reposait sur un malentendu complet. Justement parce que j’étais radicalement insoupçonnable d’antisémitisme (croyais-je), je me suis permis de relever qu’une émission particulière de la radio culturelle (qu’écoutent à peu près un pour cent des auditeurs…), une émission qui s’appelait le “Panorama”, et affichait donc une volonté généraliste, prenait un tour tout à fait communautaire, plus ridicule et surtout plus comique qu’autre chose. Pas de quoi fouetter un chat, vraiment, mais cette critique insignifiante a déclenché un ouragan, parce qu’elle venait d’un milieu inattendu. Bien des gens se sont rendus compte du caractère absurde de cette tempête dans un verre d’eau. Mais aujourd’hui il n’y a aucune ambiguïté. Excepté bien sûr les insultes les plus bêtes et les plus sales de mes adversaires les plus haineux, que j’évoquais ci-dessus, les reproches qui me sont faits sont parfaitement justifiés, fondés : oui, oui, oui, je suis en effet opposé de tout mon être et de toutes mes énergies à l’invasion de mon pays et de l’Europe, à leur colonisation, à la Deuxième Occupation, à la Deuxième Collaboration, au génocide par substitution. Les gens qui me reprochent ces positions ont raison : elles sont bien les miennes, je les assume à cent pour cent. Je crois par exemple l’Europe cent fois plus colonisée par l’Afrique, aujourd’hui, qu’elle ne l’a jamais colonisée elle-même : la vraie colonisation, la seule qui soit irréversible, c’est la colonisation démographique.

10. Vous avez participé aux événements du mai 1968 au sein de la composante homosexuelle. Aujourd’hui, vous considérez 1968 comme « une révolution pour rire », la date symbolique de « l’accession au pouvoir de la petite bourgeoisie, cette classe de l’imitation » . Quels souvenirs gardez-vous de ces événements et quelle est leur importance, plus exactement, dans l’évolution de la civilisation occidentale ?

— Je crois qu’ils ont marqué en effet la prise de pouvoir symbolique de la petite bourgeoisie, la classe consubstantielle au remplacisme global, la seule sous laquelle il pouvait advenir : classe de l’imitation, du simili, du low-cost généralisé, classe dont même le nom est une référence à quelque chose qu’elle n’est pas. La petite bourgeoisie, dit très justement Giorgio Agamben, est probablement la forme sous laquelle l’humanité se dirige vers sa propre disparition. Son idée de génie est d’inclure de force, au lieu d’exclure comme toutes les autres classes dominantes avant elle : de sorte qu’elle n’a pas d’extérieur, et d’ailleurs ne s’en conçoit pas, n’imagine pas une seule seconde qu’on puisse ne pas penser comme elle, voir le monde différemment, user d’un autre langage. Culturellement, tout le monde est petit-bourgeois, y compris bien sûr l’hyper-classe. Comme le dit très justement Gomez Davila, aujourd’hui, la seule différence entre les riches et les pauvres, c’est l’argent.

11. « Dante n’avait pas prévu cela : un enfer où l’on est heureux ; ou c’est d’être heureux, qui est l’enfer » – écrivez-vous à propos de « l’idéologie du sympa ». « Ouverture à l’autre, open space, prénom, tutoiement, tenue et attitudes “décontractées” de rigueur, exercices collectifs, jeux, danses, arts martiaux, spiritualités orientales et diverses, présentation des conjoints, ludification générale, infantilisation » – énumérez-vous les symptômes de cette idéologie qui détruit l’idée de la civilisation et le culte de la forme. Pourtant, vous êtes très actif sur Twitter, plate-forme importante de cette idéologie. Qu’est-ce qui vous attire dans cette forme de communication ?

— D’abord j’ai toujours eu un faible pour les littératures à contraintes. Le tweet c’est un genre littéraire, comme le haïku ou l’aphorisme. Cependant c’est un peu moins vrai depuis qu’on est passé des cent quarante aux deux cent quatre-vingts signes. Il est assez amusant de traduire en tweets la théorie du remplacisme global. J’en publie des volumes sous cette forme-là. Par exemple : Entre vivre ensemble, il faut choisir. Mais je n’irai pas jusqu’à dire que je suis attiré par Twitter. C’est plutôt que tout le reste m’est fermé. Je suis chassé de partout, je n’ai plus d’éditeurs, je dois publier et fabriquer mes livres moi-même, je passe mon temps devant les tribunaux. Il faut ruser avec le système, utiliser ses failles, faire comme au judo, se servir contre lui de ses propres forces, tout en étant bien conscient qu’elles peuvent à tout moment se retourner contre vous et vous écraser. Twitter et Facebook font partie du système, comme les juges, comme les médias “mainstream”. D’ailleurs je suis presque en permanence banni de Facebook. L’avant-dernière fois je m’y suis maintenu cinq jours, la dernière fois six, un record. Je m’en suis fait bannir pour une citation du général de Gaulle, dont je disais pourtant qu’aujourd’hui elle lui vaudrait la XVIIe Chambre (dont je suis un habitué, et qui m'a condamné).

12. « Je comprends mieux la phrase fameuse de Sartre, selon laquelle on n’a jamais été aussi libre que sous l’Occupation. Tout désespoir en politique est peut-être une sottise absolue, comme dit l’autre ; c’est aussi, et peut-être d’abord, une grande tranquillité, un lâche soulagement, un moment d’apaisement et de repos, peut-être le dernier. Après tout, faites comme il vous plaira : un grand oui s’étend sur la campagne, et sur la vie » – avez-vous écrit dans votre Journal le lendemain du deuxième tour de l'élection présidentielle de 2017. Néanmoins, vous n’avez pas abandonné l’activisme : vous venez de fonder (avec Karim Ouchikh) le Conseil National de la Résistance Européenne, soutenu, parmi d’autres, par Václav Klaus. Est-ce que cette activité politique peut porter ses fruits ?

— Je n’en sais rien, je l’espère, je sais seulement que devant l’horreur qui s’apprête, la destruction des Européens d’Europe et de leur civilisation, il est impossible de ne RIEN faire, de rester là à attendre. Je crois aussi que ce combat pour une civilisation, chrétienne, juive, gréco-latine, celte, germanique, scandinave, finno-ougrienne, libre-penseuse, la civilisation de la conscience et du libre-examen, ce combat-là est nécessairement européen. Je profite de cet entretien pour lancer un appel à l’aide, d’ailleurs. La Hongrie de Viktor Orban a un rôle capital à jouer pour sauver ce qui peut l’être encore. Elle est pour nous, au centre de l’Europe, une espèce de phare dans la tempête. Nous serions infiniment heureux qu’elle soit fortement et hautement représentée dans le Conseil National de la Résistance Européenne.

13. Que pensez-vous de la présidence d’Emmanuel Macron ? (Certains arguent qu’il exécute une politique migratoire plus dure que prévu.)

— Macron est le représentant parfait, le meilleur qui soit dans le monde, de ce que j’appelle la davocratie directe : la gestion sans intermédiaire du parc humain par Davos et par la finance. L’exigence d’un tel système, c’est la neutralisation de la strate politique de l’administration de la matière humaine. Macron s’y emploie avec une efficacité sans pareille : en quelques mois il a renvoyé à leur foyers tous les ténors de la vie politique française depuis trente ans, il a composé un gouvernement d’inconnus et de seconds couteaux qui lui doivent tout, il a rempli l’Assemblée nationale de fantoches hébétés à sa solde dont certains peuvent à peine mettre deux phrases à la suite l’une de l’autre, il a fait éclater les trois grands partis qui régissaient la vie politique française depuis trente ans, il assèche tous les pouvoirs locaux en leur coupant les vivres et en les empêchant d’en trouver d’autres, il privatise à tout va au profit du monde des affaires — les hôpitaux, les trains, l’assurance sociale, même la police et les prisons. L’État disparaît, ou plutôt l’État c’est lui, Macron, et lui ce sont les banques, la finance, les Gafa, Davos, etc.
Quant à sa politique migratoire “plus dure que prévue”, c’est une mauvaise farce. Le seul fait de parler encore d’immigration, en temps de submersion ethnique, est une plaisanterie. Vouloir mettre fin à l’immigration en France, aujourd’hui, c’est comme vouloir mettre fin à l’invasion allemande en 1940 quand les Allemands étaient déjà à la frontière espagnole. Il ne faut pas “mettre fin à l’immigration”, il faut la refouler. Il faut mettre fin à la substitution ethnique, la pire des manipulations génétiques, le crime contre l’humanité du XXIe siècle. Et le seul moyen est la remigration.

14. Quel regard portez-vous sur les partis d’opposition ?

— Il n’y a pas de partis d’opposition. La seule ligne de démarcation politique sérieuse, aujourd’hui, en France et dans les divers pays d’Europe occidentale, c’est celle qui sépare les remplacistes, ceux qui promeuvent le changement de peuple ou qui s’en accommodent lâchement, et les antiremplacistes, ceux qui s’y opposent de toutes leurs forces. Ceux-là n’ont pas d’expression politique, le pouvoir y veille.

15. Vous êtes un défenseur farouche de la haute culture que le remplacisme veut remplacer par la « sous-culture ». Dans les années soixante-dix, vous étiez proche des milieux de l’avant-garde, vous avez rencontré, parmi d’autres, Andy Warhol et Robert Rauschenberg, figures emblématiques du « pop art » qui a mis en cause la distinction traditionnelle entre la haute culture et la culture de masse. Comment vous souvenez-vous de ces artistes ? Est-ce que la culture occidentale est à l'agonie ?

— Oui, et désormais officiellement. La culture est à présent mise en cause ouvertement, comme un vestige insolent du monde inégalitaire, celui dont ne peuvent pas s’accommoder les industries de la pâte humaine indifférenciée, de l’homme-Nutella.
La culture est étroitement liée à la phase bourgeoise de l’histoire des sociétés occidentales, en gros entre la fin du XVIIIe siècle et celle du XXe ; et s’il faut des dates emblématiques, nécessairement approximatives, disons 1789-1968. Hegel avait bien vu qu’elle était déjà un substitut au monde de l’art et des humanités, dont l’idéal était l’homme accompli plutôt que l’homme cultivé. La culture, c’est déjà du second degré, dans la relation avec l’art et avec la pensée. Mais en régime de Dictature de la petite bourgeoisie, si je puis citer le titre d’un de mes livres, la culture est un reproche permanent, un relief karstique du monde détruit : elle doit disparaître. Elle doit d’autant plus disparaître que, comme j’aime à le dire, jamais un peuple qui connaît ses classiques n’accepterait d’être mené sans rechigner dans les poubelles de l’histoire. L’hébétude est indispensable au génocide par substitution. D’où La Grande Déculturation (je vais finir par citer le titre de tous mes livres !), par le truchement de l’enseignement de l’oubli (l’École), de l’imbécilisation de masse (la télévision, les médias), de la drogue (dont il n’est pas indifférent que le trafic soit déjà entièrement entre les mains de l’Occupant)). Dans le même temps que l’École enseigne aux remplacés la haine de soi, et donc la soumission, elle enseigne aux remplaçants la haine de l’autre, des Français, des indigènes européens, des blancs.

16. Vous vous êtes retiré de la vie mondaine, vous habitez le château de Plieux. Comment avez-vous pris possession du château, et comment se passent vos journées là-bas ? N’y aurait-il d’autre moyen de se soustraire au règne du faux que de s’exiler dans un coin de province ?

— Oh, mais je ne suis pas du tout exilé dans un coin de province ! Comme je l’ai toujours souhaité j’habite la campagne, voilà tout, au sommet d’une colline d’où la vue porte très loin, dans toutes les directions.