Rondes sur la place
« À mon beau château », la ronde d'autrefois, pleine de menaces et de promesses, nous l'avons beaucoup chantée, mes petites voisines et moi, dans le jardin des soirs d'été, sous la cathédrale.
Deux rondes : l'une, la plus nombreuse, était le "Beau Château" ; l'autre — une joueuse ou deux — venait le démolir.
Pour le démolir, en tournant autour, elle retirait — "ôtait" — une à une toutes les "pierres" du Beau Château, toutes les joueuses de la Grande Ronde en les appelant par leur nom, l'une après l'autre.
« Quelle pierre ôt'rez-vous ? demandait le Beau Château.
— Nous ôt'rons la pierre de Marthe… puis, tour à tour, celle de Madeleine… celle de Jeanne… celle de Marie. »
« Que lui donn'rez-vous ?
— Un' bell' couronn' d'or… une belle bague d'or… un beau collier d'or… »
La ronde démolisseuse, ainsi, promettait à chaque "pierre" ôtée, de merveilleuses choses en or que nous inventions à mesure.
Tentées, les joueuses, tout à tour; abandonnaient la Grande Ronde pour rejoindre l'autre. Et le Beau Château était démoli, remplacé par le Château neuf.
Les deux Rondes se sont remises à danser sur la Grand-Place. La Ronde du Passé y tourne avec son vieux Beau Château et la Ronde de Demain, la Ronde Nouvelle vient le démolir en promettant monts et merveilles.
Je les entends de loin. Elles chantent…
(Marie Noël, Notes intimes)