vendredi 22 janvier 2010

J'ai presque peur


Au bordel, on joue Fauré, ce soir. « J'ai presque peur », la mélodie. Annette a le cul en l'air, elle s'est poudré les fesses, son petit trou rose est délicatement parfumé. Androse, elle, veut jouer de la trompette, elle ne connaît pas bien Fauré, mais on la dit très douée. Flux, le barman, astique son trombone, on ne sait jamais ce qui peut arriver ; ne pas se laisser prendre au dépourvu est sa devise. Faconde arrive, joyeuse et gaie, et riant aux éclats. À sa suite, Mélanor Campion, peu sûr de lui, en passe-montagne. Il est très parfumé.  

En coulisses, Georges et Johnson s'égalisent le tempérament, ils ont le feu aux doigts, et échangent des politesses. On entend un roulement de tambours. Satin et crêpe tintinabullent aux confins. 

Les archets sont gonflés à l'azote et personne ne sait où se trouve la sortie des harpistes. Une grande désolation anarchiste s'abat sur l'assistance aux personnes déplacées. C'est le moment épure. Presque. Des seins passent, sans propriétaires ni excuses. Fauré perforé, décoloré, horloger limogé et imploré, n'a plus peur. 

La coulisse est au supplice, sans piston ni thrombose. Il faut faire avec. Même si le préjudice n'accordera aucun pardon.