Si l'on écrit pour ceux à qui l'on doit expliquer ce qu'on écrit, c'est déjà la moitié du plaisir qui se perd.
Le mot est toujours un embranchement, un nœud, un écho, un miroir, un carrefour, un rond-point, un vase, un réceptacle et une (res)source, une reprise. Il recueille ce qui vient de plus haut ou de plus loin que lui et le redistribue en aval, vers les côtés, en étoile, en arborescence ; il laisse se diffuser, à travers lui, des mots, d'autres mots, des phrases, des idées, des concepts, des récits, des noms, des lignées, des paysages, des heures, des sons, des désirs, toute une magie efficiente qui provient du souffle et de la mémoire diffractée.
« Vous n'avez aucune considération pour ceux qui vous aiment. »
Le terme, comme son nom l'indique, est un terme, une fin. Il referme l'aventure du souffle multiplié des histoires personnelles et met un terme à la présence réelle. Le terme manque de bêtise et d'histoire, il est trop intelligent, et ne sait que se substituer exactement à la chose qu'il d-écrit. Un terme décrit, un mot écrit. Un terme reçoit et s'immobilise, un mot diffuse et se met en marche. Le terme est transparent, et laisse voir la chose, le mot tire de son opacité un surcroit de sens dont il vêt l'objet ou le sujet.
Il n'est pas neuf heures du matin mais dans l'étreinte du réel et de son absence c'est comme un chemin qui se dégage du chaos.
« J'aimerais tellement vous avoir à dîner ! Ce serait un tel plaisir ! Mais, par pitié, n'amenez pas votre petite amie, si vulgaire, et ne parlez de rien. Contentez-vous d'ÊTRE. Votre être est si rayonnant, si singulier, savez-vous ! Votre PRÉSENCE seule est un enchantement. Il serait dommage de la gâcher avec des paroles. Je suis d'ailleurs certaine que vous les regretteriez, ces paroles. Ne dites pas le contraire, je vous connais mieux que vous ne vous connaissez. Laissez-moi parler pour vous. Je ferai en sorte que tout le monde vous aime. C'est mon TRAVAIL. »
J'adore ces gens qui ne parlent littéralement de rien, et qui, dès que vous commencez à parler de quelque chose, vous disent précipitamment et de manière très insistante: « Et si on passait à autre chose ? ».
Je lui dis : « J'aime les listes. » Elle me répond : « Quelles listes ? »
À terme, il était fatal que le mot soit prononcé. Le corps est toujours au-delà du corps, une semence sémantique faite de phrases imprononcées. Obscurément, les heures se tassent sur elles-mêmes, lasses, tournoyantes, mornes. L'inintelligible revient comme une théorie obstinée, désertée, étouffée de chaleur. Autre chose ? Les sens éveillés et l'esprit endormi. Cuisses lourdes, huileuses, offertes au soleil. En la femme la nature est toujours en travail, surtout en son repos : flaques de voyelles liquides. On ne pourrait pas écrire deux phrases de suite si l'on donnait la parole à la Vérité. Tracez donc une ligne droite à l'intérieur du corps humain, pour voir quelle étrange loi vous établissez ainsi.