Chaudeflûte va, son arbalète de cœur jactant sous les étoiles qui se voilent. Il agite les bras. C'est un carillon d'oriflammes, une pétition de lampes à frotter, c'est le K2 qui proteste contre la suprématie de l'Everest en l'applaudissant, les neufs sommets, il veut en être, à tout prix, c'est un mastroquet qui intervient dans toutes les conversations de ses soulards, il court avec le troupeau, en tête, la rire puissant et la panse signe de l'Univers rutilant, son humilité placardée sur tous les pare-brise, il avance à l'aveugle, ses jambes comme les pâles du moulin battant conquête et redistributives de l'affection débordante de son désir. Toujours là, telle pourrait être sa devise. Jeune herbe congratulée d'un souffle au revers, tout épanoui de pavonner avec, — l'"avec" est son pavillon de complaisance, sa corne essoufflée de la puissante note éclaireuse et stridente, à très haute température. Vous allez quelque part? Je viens. Vous riez ? Je ris avec vous. Vous partez ? Je pars aussi. Vous aimez ? J'aime encore plus. Vous écoutez ? Il surécoute. Vous prenez un repas, il mange comme quatre. Il aime les entrées. Dans la secte, dans le groupe, dans la société, dans la troupe, dans le projet, dans la ronde, dans le présent, l'avenir, dans l'odeur, dans la chambre, dans le Sujet, dans le cœur. Il a la nostalgie du boniment, de la vente, c'est un publicitaire formidable. Mais de Quoi ? De rien, ou seulement de lui-même. C'est son Être dont il fait la promotion sans fatigue, son être qui veut vous aimer, vous entourer, vous pousser de l'épaule, son être dont le vibrato hystérique griffe les tympans, assèche l'ardeur à vivre, ronge les dernières digues de la paix. La sputation affective le tient éveillé, toujours à l'affût, sans répit, et dans son sillage un nuage de sauterelles affamées vous sautent au visage, vous mordent le front, vous agacent les dents, creusent en vous un concerto de scies sauteuses. De tout temps on est menacé par sa gentillesse comme on l'est par la morve en hiver. Il a autant de considération pour votre humaine présence que Conlon Nancarrow pour la morphologie de ses interprètes, ses diastoles sont celles d'un pile atomique qui aurait peur du sommeil, dernier reste de prudence, programmé par les vieux humains.
Si Chaudeflûte veut en être, c'est parce qu'il veut en naître. Pas encore, lui souffle le vent, et cela le désespère. Quand viendra mon tour ? grince-t-il en déracinant les buissons qui gênent la sortie. Le monde est là, déjà, et lui resterait à l'intérieur du vagin tiède, comme un con, encore ? À d'autres ! L'arme est lourde quand on l'a trop chargée et qu'on ne tire pas. Si l'amitié n'était si caramélisée d'ardeurs criardes, on s'en ferait volontiers un bouclier à tremper dans le potage où surnagent quelques clins d'œil à soufflet, mais le cœur n'y est pas vraiment, c'est trop devoir à cette présence qu'on devine à ses cris épiques ne jamais devoir s'amincir. Le lyrisme a ses pauvretés, quand la beauté se met la main devant la bouche, lasse.
On me dira que le confrère de la bloge est ainsi, par définition, presque. C'est possible, à voir les trémoussements des demi-princesses qui se congratulent du museau à longueur de livre à effet de figures. Elles ont la main, ces ennuyées du petit virtuel sans tain, ces valseuses sur un pied maquillées de néant, ces palimpsestes défigurés inutilement lestes sous la nacre de leur écran saturé de confiture sans fruits, ces missionnaires de la mendicité asynchrone, mais elles ne sont que la bouche ripolinée de la foule des désirants sans sommeil. Regardez-les se masturber, croyant nous délivrer le grand secret du monde, ces écolâtres de l'Imitation, déchargées de prudence. Elles miment la rencontre et l'offrande, elles dissertent sur l'Autre, alors qu'elles n'en finissent pas de rester entre elles (et même pas), ni d'actionner le manège gentiment centripète qui leur interdit à jamais l'excursion et la saisie fraîche de l'Heure. La ponctualité n'est pas leur fort, si ce n'est celle de la concertation fade avec le trumeau. Elles ont l'œil à la barbacane, mais ce cavalier qui vient n'est que l'ombre mal ajustée de leur jeunesse perdue — et il n'y a pas d'âge pour perdre sa jeunesse. Attendre toute une vie pour naître n'est pas une anomalie qui annule le présent. Les sanglots ne fendent pas les âmes sans y laisser de traces, il faut traverser la scène sans se noyer dans ses propres reflets, sauf à jouer à contretemps de la cymbale sensuelle. Être à la traîne des corps disposés, bien ou mal, ici ou là, ne peut être qu'un hors-d'œuvre pris à minuit, Chaudeflûte, console-toi avec l'espèce neuve, la bonne nouvelle est à ce prix, et pense que la liturgie profonde de la moutarde qui monte au nez d'autrui n'est rien, assommée d'innocence qu'elle est, dans le tréfonds des miroirs éteints.
J'hésite entre le rire et les larmes... est-ce normal Georges que tes textes me fassent cet effet ?
RépondreSupprimerEn voilà une autre qui vient jouer du pipeau en tâchant de se faire passer pour un violoncelle. Et vous ne l'en découragerez pas... pas tout de suite. Sans le savoir encore tout à fait, elle vient de prendre place dans la ronde dont elle ne s'amuse, préventivement, qu'à moitié.
RépondreSupprimerC'est tout à fait normal.
RépondreSupprimerFulgurant et tout à fait pertinent.
RépondreSupprimerCela m'a donné envie de citer Descartes.
"C'est tout à fait normal."
RépondreSupprimerAu secours ! Sansano sors de ce Georges ! Autant d'eau tiède en deux petites phrases. Supprimez les commentaires ! Laissez à votre texte le bénéfice du doute !
Pauvre imbécile aigrie.
RépondreSupprimerOn attend encore petit-e mot-ve et on vous emballe tout ça comme d'hab M'sieur Georges. Quelques os pour le chien ?
RépondreSupprimerMa pauvre Jane, pourquoi persistez-vous à traîner ici, dans ce dépit hirsute et malade ? Vous n'en avez pas assez, de vos petits jeux d'enfant mal élevé, vous n'avez pas des copies à corriger, des balades à faire, des hommes pour de vrai à séduire ?
RépondreSupprimerOui, le commentaire d'ElleN m'a fait plaisir, voyez-vous, parce que ce texte là est exactement situé où elle le dit, ne vous en déplaise. Votre humour est celui de quelqu'un qui en manque profondément, et je vous plains beaucoup de manquer à ce point votre cible.
Chaos, vous êtes bien indulgent avec Georges !
RépondreSupprimer"Chaudeflûte, ce n'est pas "Je pense donc je suis", c'est Je suis donc je pense"
RépondreSupprimerLe seul commentaire non-indulgent que je puisse faire est le suivant:
Selon moi le "je pense, donc je suis" est couplé au "je suis, donc je pense", descartes le dit lui-même
"nous ne saurions douter sans être"
On croit convier Descartes et c'est Feydeau qui s'invite, Georges. Ce texte est exactement situé là, entre deux claquements de portes, servantes côté cour amantes aigries côté jardin.
RépondreSupprimerIl n'y a aucun quiproquo, que dans votre tête malade.
RépondreSupprimerVous ne voulez pas de celui-ci, qui pourtant ouvrait la première porte ?
RépondreSupprimerGeorges met au monde Beuche. C'est l'Everest qui accouche d'une erreur d'altimétrie. C'est une colline inoffensive qui se mesure triomphalement à Mauna Kea. Son ombre douce se perd dans les premiers mètres sans jamais connaître le fond de l'abysse.
Bien. Voilà. On a publié quelques "commentaires" de Jane, parmi les dizaines qu'elle envoie régulièrement pour attirer l'attention sur son cas désespéré. Maintenant que vous avez bien voulu faire la preuve de votre singulier talent, de votre intelligence démesurée, de votre humour férocement féminin, et de votre grande santé, on va doucement refermer la porte, en faisant attention de ne pas vous coincer les doigts, et vous allez prendre une bonne tisane bien chaude et aller vous reposer.
RépondreSupprimerBonne nuit. (Tous vos "commentaires" seront désormais mis à la poubelle avant lecture.)
Vous avez raison de le rappeler, Deus.
RépondreSupprimerUn dernier point, Jane. Venir chez Georges quand on est en peine… Il faut vraiment être masochiste au dernier degré !
RépondreSupprimerJane,
RépondreSupprimerJe suis un lecteur régulier et silencieux de ce blog que j'apprécie hautement. Si je sors aujourd'hui de mon silence c'est parce que tout à la fois je perçois votre souffrance (manifestée ici à plusieurs reprises) et son évidente erreur d'adresse. Il y a d'autres lieux scéniques, d'autres portes à ouvrir avant de refermer celle-ci.
Ici, je me doute que vous êtes encore une des hypostases de Jane. C'est désespérant… Cela va me conduire à ne plus publier que deux ou trois personnes que je connais.
RépondreSupprimerMon (ah, ce "mon" vous hérisse, n'est-ce pas ?") Georges-bien-aimé, aucun de tous les commentaires qui précèdent ne sont de moi. Mais comme vous me faites plaisir, à me voir ainsi partout ! Après avoir vu cela, je suis heureuse. Vous pouvez donc aller vous faire fouetter et rouer de coups chez toutes les ElleN du monde si ça vous chante, vous êtes tout pardonné.
RépondreSupprimer(Qu'est-ce que je vais prendre, pour avoir osé poster un com' ici !)
En réponse à votre question, mais surtout pas en commentaire d’un tel texte.
RépondreSupprimerJoël Vincent
Conseil en bathymétrie et altimétrie, géomètre associé au sautoir des génies, assistance juridique aux uns et aux autres, Janus Quadrifrons et même davantage, préposé aux portes, aux chemins et aux courants d’air, Santos à l’occasion… silencieux et en pleurs parfois.
je vous remercie beaucoup de votre franchise, Joel, qui me libère d'un grand poids. Je vois les choses un peu autrement grâce à vous (et suis tout près de vous donner raison sur beaucoup de points).
RépondreSupprimerN'empêche, je suis un peu déçu de ne pas avoir réussi à attirer ici celui que beaucoup pensent que j'ai créé. Quelle victoire sur la bloge, alors ! Quelle performance !
RépondreSupprimer